Alors que la carence en fer est considérée comme la plus fréquente des carences nutritionnelles dans les pays occidentaux, ce chiffre chez le jeune enfant en France était jusqu’à présent imprécisément connu. En effet, peu d’études se sont intéressées au sujet, et elles incluaient soit un faible nombre d’enfants, soit un seul centre, et étaient donc exposées à des biais de sélection importants. De ce fait, les chiffres de prévalence de la carence martiale en France dont nous disposions étaient assez variables entre 33 % à 10 mois et 40 % entre 16 et 18 mois.
1 229 enfants de 6 mois à 6 ans
Pour améliorer les connaissances disponibles, des chercheurs ont mené une étude ancillaire à l’étude Saturn-Inf de l’Institut de veille sanitaire (InVS) dans laquelle plusieurs milliers d’enfants âgés de 6 mois à 6 ans avaient été recrutés pour une enquête sur les taux de plombémies et la prévalence du saturnisme entre 2008-2009. Les enfants avaient été recrutés dans des services de pédiatrie et chirurgie pédiatrique et d’hôpitaux de jour sur l’ensemble de la France.
Au total, 1 229 enfants non porteurs de pathologie chronique, non supplémentés en fer et pour lesquels les parents avaient accepté une étude ancillaire ont pu être inclus avec dosage de la ferritine et de la protéine C-réactive (CRP).
Parmi ceux-ci, 572 avaient une CRP > 10 mg/l, ce qui est susceptible d’augmenter la ferritine, ils ont donc été exclus. Les 657 enfants analysés avaient un âge moyen de 3,7 ans et 52 % étaient des garçons.
Le taux moyen de ferritine était dans les normes à 44 µg/l et la prévalence de la carence martiale était faible, à 2,8 % pour une limite basse à 10 µg/l et à 3,2 % si la limite choisie était 12 µg/l. Un taux bas de ferritine était plus fréquent si l’enfant était un garçon, si les parents étaient migrants, ou si la mère était sans emploi.
La carence martiale, quant à elle, était plus fréquente si l’enfant était un garçon, avait une mère migrante, un statut socio-économique défavorisé ou bien un niveau d’éducation maternel faible. La présence d’une carence martiale ne variait en revanche pas avec l’âge ou le statut professionnel des parents et il n’y avait pas de différence géographique.
Une politique de prévention efficace
Ainsi dans cette étude transversale française, la prévalence de la carence martiale chez des enfants âgés de 6 mois à 6 ans est très basse. Elle est même plus basse que dans nombre d’autres pays européens. C’est une très bonne nouvelle. Ce bon résultat appuie la politique de prévention de la carence martiale qui vise à recommander chez les nourrissons et jeunes enfants une alimentation riche en fer, avec en particulier la consommation d’un lait de suite enrichi en fer chez le nourrisson non allaité et la consommation de lait de croissance enrichi jusqu’à au moins 3 ans.
Dans cette étude, comme dans d’autres précédemment, certains marqueurs socio-économiques (enfants issus de l’immigration, faible niveau éducationnel des parents, parents sans emploi) sont associés à un taux de ferritine plus faible chez l’enfant. Ces données sont importantes pour cibler au mieux les politiques de prévention des carences nutritionnelles.
Les données de l’étude CARMA, actuellement en cours d’analyse, viendront sans doute apporter plus de précisions quant aux facteurs de risque de carence martiale, à la prévalence de l’anémie par carence martiale et enfin sur l’influence du type d’alimentation de ces enfants.
Références
Sacri AS, Hercberg S, Gouya L, Levy C, Bocquet A, Blondel B, Vincelet C, Hebel P, Vinatier I, de Montalembert M, Barros H, Le Strat Y, Chalumeau M. Very low prevalence of iron deficiency among young French children: A national cross-sectional hospital-based survey. Matern Child Nutr 2018 ; 14 (1). doi : 10.1111/mcn.12460.