Nutriments Revue #11

La carence martiale est la plus commune des carences en micronutriments. Le nourrisson et le jeune enfant, en période de croissance rapide, sont particulièrement à risque. Sauf cas particulier, elle apparaît après 4-6 mois, lorsque ses stocks en fer s’épuisent. L’anémie ferriprive concerne 3 à 9 % des nourrissons de 6 à 12 mois et jusqu’à 25 % des enfants préscolaires. De nombreuses études ont évalué les modalités de supplémentation et son impact chez le jeune enfant. Une métaanalyse et une mise au point du Comité de nutrition de l’ESPGHAN reprennent ces résultats.

• Vucic et al. [1] comparent la supplémentation ou une alimentation enrichie en fer à l’absence de supplémentation, à partir de 21 études randomisées (7 574 inclusions). Ils concluent que la durée de supplémentation en fer, le statut martial initial et le type de supplémentation n’ont pas d’impact sur le poids, la taille ou la mesure du périmètre brachial. Néanmoins, la quantité de fer administrée est probablement un élément important car le poids des enfants supplémentés à hauteur de 40-66 mg/j est discrètement supérieur à celui des enfants n’ayant pas reçu ce niveau de supplémentation.

• Dans la publication de l’ESPGHAN [2], les auteurs soulignent qu’après 6 mois, le nourrisson est très dépendant des apports en fer alimentaire, alors que ses besoins sont considérables (à 24 mois, il aura doublé son taux de fer). La détermination des besoins est difficile, son absorption intestinale étant variable car régulée et modifiée par d’autres nutriments. Elle dépend aussi du statut martial de l’enfant et de la biodisponibilité du fer ingéré. Le fer non héminique (légumes, céréales, produits laitiers, laits infantiles) est peu absorbé (biodisponibilité env. 10 %). Le lait maternel en contient très peu (0,3 mg/l) mais il a une biodisponibilité de 50 %. Celle du fer héminique de la viande est d’environ 25 %. La carence martiale est associée à une mauvaise croissance et une susceptibilité accrue aux infections. Mais la supplémentation des nourrissons n’a pas d’impact sur la croissance et ne réduit pas non plus le risque infectieux, et une supplémentation trop élevée peut avoir des effets délétères. Le fer est très important pour le développement neurologique, et une anémie par carence martiale a des effets délétères sur le développement cognitif, neurosensoriel et moteur. Certaines études suggèrent que la correction de cette anémie améliore partiellement les performances de ces enfants, effets non prouvés en cas de carence martiale sans anémie. Les facteurs de risque de carence martiale chez le nourrisson sont connus : petit poids de naissance, clampage précoce du cordon, sexe masculin, faible niveau socio-économique, faible consommation de viande et aliments enrichis en fer comme les laits infantiles, consommation importante de lait de vache.

Les principales recommandations de l’ESPGHAN pour la prévention de la carence martiale :

• jusqu’à 6 mois, préparations enrichies à raison de 4 à 8 mg/l ;
• après 6 mois, utilisation de préparations de suite enrichies (mais pas encore assez de données pour le taux optimal ) ;
• pas de lait de vache avant 1 an ; après 1 an, si consommation : < 500 ml/j ;
• diversification comprenant des aliments naturellement riches ou enrichis en fer. (A noter, la réglementation impose pour les préparations pour nourrissons une teneur en fer de 0,3-1,3 mg/100 kcal = env 2-8,5 mg/l ; pour les laits de suite, 0,6-2 mg/100 kcal = env 4-13 mg/l)

POUR EN SAVOIR PLUS

1. Vucic V et al. Effect of iron intervention on growth during gestation, infancy, childhood, and adolescence: a systematic review with meta-analysis. Nutr Rev 2013 ; 71 : 386-401.
2. Domellöf M et al. ; ESPGHAN Committee on Nutrition. Iron requirements of infants and toddlers. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2014 ; 58 :119-29.