Préparations infantiles Revue #6

Laits infantiles “standards” et pour “petits troubles fonctionnels”

Le point d’après les interventions du Dr Alain Bocquet (pédiatre, Besançon, responsable du Groupe Nutrition de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire) et du Dr Jean-Pierre Chouraqui (pédiatre, gastroentérologue et nutritionniste, Hôpital Couple-Enfant, CHU de Grenoble) lors d’une réunion organisée par le SFAE.

Quelle préparation de suite ? – Dr A. Bocquet

Après la diversification, le lait reste un aliment central. Le lait maternel est l’aliment naturel de référence, mais, si la mère ne souhaite ou ne peut pas allaiter, il est alors recommandé de donner au nourrisson une préparation de suite (“lait 2e âge”). L’apport quotidien recommandé est de 500 ml, et l’apport total avec équivalents lactés devrait être de 800 ml.

Les préparations de suite “standard” 

Leur composition a évolué, pour tenter de se rapprocher au mieux du modèle du lait maternel. Elles apportent le calcium nécessaire à la croissance osseuse, à la formation des dents, aux fonctions métaboliques ; son assimilation est favorisée par l’apport de vitamine D présente dans ces laits infantiles et complété par la supplémentation recommandée. Le stock en fer de l’enfant à la naissance devient insuffisant à cet âge, or il est essentiel pour la synthèse de l’hémoglobine, pour limiter le risque d’infections et pour favoriser le développement cérébral (la carence a un impact sur les acquisitions psychomotrices). Les préparations de suite apportent 20 fois plus de fer que le lait de vache.

La composition des laits infantiles a évolué vers une diminution du taux de protéines et une qualité biologique plus proches du lait maternel (plus riche en protéines solubles qu’en caséine). Si les besoins en lipides totaux sont importants à cet âge, leur qualité est essentielle. Les préparations de suite apportent moins d’acides gras saturés que le lait de vache, et des acides gras essentiels indispensables au bon développement neurosensoriel : précurseurs (acide linoléique et acide alpha-linolénique) et dérivés supérieurs (acides gras polyinsaturés à longue chaîne, DHA et acide arachidonique).

Petits troubles fonctionnels 

Les préparations pour petits troubles fonctionnels présentent des modifications de formule par rapport à celle des laits “standards”, tout en restant dans les limites autorisées par la réglementation pour chacun des composants.

  • Selles espacées et irrégulières 

On conseille un lait avec protéines modifiées, contenant peu de caséine (qui ralentit la vidange gastrique et augmente le temps de transit) et davantage de protéines solubles. On peut aussi jouer sur les glucides : la plupart des préparations ont un “sucrage mixte”, lactose + dextromaltose en proportions variables ; un lait riche en lactose accélèrera le transit. Cependant, chez certains enfants, il existe un risque de maldigestion du lactose s’il est apporté en excès : sa digestion n’étant pas complète au niveau de l’intestin grêle, le lactose intact qui arrive au contact de la flore intestinale dans le côlon déclenche une fermentation acide avec selles liquides et production de gaz.

  • Gaz, coliques 

On choisira un lait à faible teneur en lactose ou contenant de la lactase pour diminuer la fermentation colique. On peut aussi jouer sur le pH : la digestion débute dans l’estomac à pH < 4 ; pour faciliter la digestion, l’idée est de donner un lait acidifié par un ferment lactique (pH des laits standards : 7).

  • Petits rejets (hors RGO) 

On recommandera un lait riche en caséine. On peut aussi jouer sur la fraction glucidique : remplacement d’une partie du lactose par de l’amidon (issu de riz, tapioca, maïs, pomme de terre…), pour augmenter la viscosité.

  • Bébés affamés 

Ces enfants non rassasiés reçoivent souvent des rations trop importantes, avec risque d’envol de la courbe de poids. On proposera des laits donnant une meilleure impression de satiété sans augmenter l’apport calorique. Ils contiennent un taux élevé de caséine, de sucres complexes, amidon et dextrine maltose (moins de lactose), et d’AG à longue chaîne qui ralentissent la vidange gastrique.

Quand changer de lait ? 

Il est important de bien connaître les laits infantiles du marché pour conseiller les parents (liste sur ce site proposé par l’Afpa). Tout changement doit être argumenté :

  • si l’enfant va bien, que la courbe de croissance est satisfaisante, il n’y a pas de justification à changer de lait ;
  • s’il reçoit un lait infantile thérapeutique, un changement peut entraîner des risques (par ex. s’il est allergique aux protéines du lait de vache) ; il est important de sensibiliser la maman à ce risque de changement sans avis médical ;
  • s’il a des petits troubles fonctionnels, on conseillera une préparation infantile adaptée ; l’avis médical est fortement recommandé.

Lait infantile en poudre ou liquide ?

La composition et la qualité sont identiques. L’intérêt de la poudre : sa conservation. Les préparations liquides, prêtes à l’emploi, évitent les manipulations (hygiène) et les erreurs de dosage.

Pharmacie ou grande distribution ?

Tous, quelles que soient les marques, répondent à la même réglementation et à la même exigence de qualité. Le plus en pharmacie : le conseil, notamment pour les petits troubles fonctionnels. Les laits thérapeutiques, sur prescription médicale, ne sont disponibles qu’en pharmacie.

Pourquoi recommander un lait de croissance ? – Dr J.P. Chouraqui

En relais du lait 2e âge, vers 10-12 mois (si la mère n’allaite pas), le lait de croissance est recommandé jusqu’à 3 ans. A l’origine développé en France, il est maintenant présent dans de nombreux pays. En France, sa composition se base souvent sur celle imposée aux préparations de suite par la réglementation.

La croissance dans cette tranche d’âge est encore très rapide et l’enfant continue de se développer (motricité, cognition…). Il a donc des besoins bien spécifiques. Or, des études ont montré chez une grande partie des enfants en bas âge :

  • un excès d’apport en protéines, en sucre, en sel ;
  • un déficit d’apport en fer, zinc, acides gras essentiels (AGE) ;
  • un passage trop précoce à une alimentation non adaptée, identique à celles du reste de la famille…

L’équilibre alimentaire passe par la poursuite de l’alimentation lactée, les aliments introduits à l’étape de diversification ne pouvant couvrir à eux seuls les besoins de l’enfant : par exemple, pour assurer un apport en fer suffisant, il faudrait qu’il consomme 100 g de viande par jour, ce qui est excessif sachant que l’apport protéique (viande, poisson, oeuf) doit être de 20 g/j jusqu’à 24 mois (= 4 cuillères à café) et 30 g/j (= 6 cuillères à café) jusqu’à 3 ans.

L’intérêt des laits de croissance est de compléter la ration énergétique, avec un apport protéique contrôlé, tout en assurant un apport de “sécurité” en :

  • calcium ;
  • fer (déficit fréquent, même dans les pays industrialisés, avec pour conséquences une moindre résistance aux infections, un retard des acquisitions cognitives, voire un retard de croissance, et un risque d’anémie) ;
  • lipides (besoins importants chez l’enfant en développement : 40-45 % de la ration énergétique), et en particulier en acides gras essentiels ;
  • vitamines, particulièrement en vitamine D (la supplémentation est plus faible si l’enfant consomme des laits infantiles plutôt que du lait de vache, pauvre en vitamine D).

Pour assurer cet équilibre alimentaire et mettre l’enfant à l’abri de possibles déficits, les autorités françaises et européennes recommandent un apport lacté de 500 ml par jour, comprenant le lait de croissance et les laitages infantiles.

Le lait de vache peut être consommé à partir de un an (UHT et entier pour assurer l‘apport en lipides), mais il est trop riche en protéines, en sodium, et pauvre en fer (25 fois moins que dans le lait de croissance) et en AGE.