L’allaitement maternel est l’aliment de référence du nourrisson les premiers mois de vie. Il est recommandé de façon exclusive durant les 6 premiers mois de vie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et pendant les 4 premiers mois par l’European Society of Pediatric Gastroenterology Hepatology And Nutrition (ESPGHAN).
Les différentes phases de la lactation
Lors des premiers jours de vie, le lait maternel, ou colostrum, est très riche en sels minéraux et facteurs immuno-actifs aidant le nouveau-né à s’adapter à la vie extra-utérine et à la rencontre avec de nombreux micro-organismes. Après les 5 premiers jours d’allaitement, le lait est dit de transition, puis mature après 15 jours de lactation. Ce lait mature est alors riche en micro et macronutriments permettant la croissance et le développement de l’enfant (1). Pour les mères, la grossesse et le post-partum sont des périodes particulièrement intenses sur le plan émotionnel et la dépression post-partum concerne jusqu’à 15 % des femmes (2). Plusieurs travaux ont montré que l’état mental de la mère pouvait modifier la composition du lait maternel (3).
Stress, anxiété et dépression post-partum : quelles conséquences sur le lait maternel ?
C’est dans ce contexte que Skowron et al. ont récemment publié une revue de la littérature des facteurs psychologiques influençant la composition du lait maternel (4).
Concernant les apports énergétiques totaux, les données de la littérature sont hétérogènes : certaines études rapportent une augmentation, d’autres une diminution, et d’autres encore ne montrent aucune différence. De plus, il semble que la dépression post-partum ne modifie pas de façon majeure les apports en lactose, mais possiblement la composition en oligosaccharides (Human Milk Oligosaccharides, HMO) (5).
Par ailleurs, une étude récente a montré que les femmes traitées par inhibiteurs de la sérotonine pour traiter la dépression avaient une composition du lait différente de celles des femmes non traitées, ce résultat ne modifiant pas les recommandations de prescription de ces médicaments (6).
Enfin, il semble exister une association forte entre des niveaux élevés de DHA dans le lait maternel et une consommation élevée de poisson, avec un risque réduit de dépression post-partum (7).
De façon très intéressante, plusieurs études ont montré un lien entre le stress maternel et le microbiote du nourrisson. La dysbiose liée au stress se caractérise par une baisse de la diversité bactérienne, et par des modifications des capacités métaboliques du microbiote intestinal, pouvant jouer un rôle sur le neurodéveloppement (8). Cette connexion ouvre de nouvelles perspectives quant à l’utilisation des biotiques dans le traitement des troubles psychiatriques.
Concernant les taux de facteurs immunologiques, de cortisol ou de sodium, les études donnent des résultats très hétérogènes et peu concluants.
Au total, le stress, l’anxiété ou la dépression maternelle peuvent modifier la composition du lait maternel. Ce lien est maintenant bien établi. L’impact à court et long terme de ces modifications et en particulier celles du microbiote de l’enfant n’est cependant pas encore connu.
La figure 1 illustre le lien entre l’état psychologique maternel et la composition du lait maternel. En cas de stress, d’anxiété ou de dépression post-partum, plusieurs composés du lait sont modifiés : baisse du DHA et des oméga-6, hausse ou baisse du cortisol, diminution de la prolactine ou de la lactoferrine, et modifications des immunoglobulines comme le SIgA. Le microbiote et la balance minérale (notamment le sodium) sont aussi affectés. Ces altérations peuvent impacter la croissance, le développement cérébral et le comportement de l’enfant, notamment via l’axe intestin-cerveau.
Figure 1 – La relation entre l’état mental de la mère et le développement de sa progéniture passent par le lait maternel.
Références :
- Zhang Y, Zhang X, Mi L et al. Comparative Proteomic Analysis of Proteins in Breast Milk during Different Lactation Periods. Nutrients 2022 ; 14 : 3648.
- Liu X, Wang S, Wang G. Prevalence and Risk Factors of Postpartum Depression in Women: A Systematic Review and Meta-analysis. J Clin Nurs 2022 ; 31 : 2665-77.
- Kawano A, Emori Y, Myagawa S. Association Between Stress-Related Substances in Saliva and Immune Substances in Breast Milk in Puerperae. Biol Res Nurs 2009 ; 10 : 350–5.
- Skowron K, Lichocki I, Godziszewski F, Orczyk-Pawiłowicz M. From Mind to Milk: The Influence of Psychological Factors on the Composition of Human Breast Milk. Nutrients 2025 ; 17 : 1093.
- Riedy H, Bertrand K, Chambers C, Bandoli G. The Association Between Maternal Psychological Health and Human Milk Oligosaccharide Composition. Breastfeed Med 2024 ; 19 : 837–47.
- Whaites Heinonen E, Bertrand K, Chambers C. Macronutrients in Human Milk Exposed to Antidepressant and Anti-Inflammatory Medications. JAMA Netw Open 2025 ; 8 : e2453332.
- Hibbeln JR. Seafood Consumption, the DHA Content of Mothers’ Milk and Prevalence Rates of Postpartum Depression: A Cross-National, Ecological Analysis. J Affect Disord 2002 ; 69 : 15–29.
- Fernández-Tuñas MDC, Pérez-Nuñuzuri A, Trastoy-Pena R et al. Effects of Maternal Stress on Breast Milk Production and the Microbiota of Very Premature Infants. Nutrients 2023 ; 15 : 4006.
