Diversification Revue #21

Les petits pots industriels contribuent maintenant largement à l’alimentation des nourrissons et rares sont les familles qui n’y ont, au moins épisodiquement, pas recours. On distingue les purées de légumes, les compotes de fruits et les repas composés (viande ou poisson et légumes). On peut également trouver des préparations essentiellement riches en céréales, à base de pâtes par exemple ou de blé entier ou raffiné. Enfin, en Europe mais pas en France, certains industriels proposent de la viande ou du poisson de façon majoritaire (pot, gourde ou surgelé) qui sera à mélanger avec des légumes pour composer le plat du nourrisson. La législation européenne impose des règles concernant l’étiquetage et l’ordre d’apparition des produits permet de savoir lequel est majoritaire. Enfin, certains produits infantiles industriels contiennent des sucres ajoutés. Là encore, la quantité de glucides qu’il est possible de rajouter est encadrée par la législation européenne en fonction du type de produit.

Plus de 1 000 nourrissons européens suivis

Dans une large étude européenne publiée en juillet 2019 et impliquant la Belgique, l’Allemagne, la Pologne, l’Italie et l’Espagne, Theurich et al. ont décrit les apports alimentaires fournis par des préparations commerciales infantiles ainsi que leur contribution aux apports énergétiques. Ils se sont particulièrement intéressés aux produits contenant des sucres ajoutés.
Une enquête alimentaire sur 3 jours (2 jours de semaine et 1 jour de week-end) a été effectuée chez plus de 1 000 nourrissons suivis à différents âges (4-9, 12, 18 et 24 mois). Près de 70 % des nourrissons recevaient une formule infantile tandis que 30 % étaient allaités à l’inclusion. Il est apparu que 100 % des nourrissons de 9 mois avaient déjà consommé des petits pots, confirmant le recours des parents à ce type de produit.

75 % des apports énergétiques par des aliments de l’enfance

À l’âge de 24 mois, 68 % des enfants consommaient des produits infantiles d’origine industrielle, mais il s’agissait plus fréquemment de céréales ou de gâteaux spécifiques « enfant de 2 ans ». Même s’il y avait des différences selon les pays, la plus grande partie (75 %) des apports énergétiques des nourrissons diversifiés se faisaient par la consommation de produits industriels spécifiques aux nourrissons avant l’âge de 9 mois. À l’âge de 12 mois, probablement du fait de la transition vers l’alimentation familiale, ce chiffre diminuait à 40 %. Les parents de nourrissons allaités avaient moins souvent recours à des aliments « spécifiques bébé » pour bébé les premiers mois de vie, mais ces différences s’atténuaient et, après 12 mois, il n’y avait plus de différences entre les nourrissons allaités et ceux nourris avec un lait infantile.
Les autres facteurs associés au recours à des produits industriels infantiles étaient :

  • le jeune âge,
  • le fait d’avoir un garçon,
  • un niveau éducationnel plus bas
  • et une activité professionnelle de la mère.

Cette enquête, réalisée entre 2002 et 2004, a mis en évidence la consommation fréquente d’aliments industriels avec des sucres ajoutés, par exemple en Espagne, où près de 95 % des nourrissons de 9 et 12 mois en consomment. Ce point avait été souligné en 2016 par l’OMS en insistant sur la nécessité de ne pas proposer aux nourrissons des aliments riches en sucres, sel et pauvres en micronutriments. Ces taux varient en fonction de l’offre disponible sur le marché, d’où l’intérêt pour les industriels de proposer des produits pour nourrissons qui en contiennent le moins possible. À noter que les produits ont pu évolué depuis 2004 et il existe des différences entre les différents pays. Aussi, l’éducation parentale est importante, ce d’autant que le nourrisson est particulièrement appétant pour ces saveurs sucrées et salées.

Diversification nordique vs diversification standard

Johansson et al. se sont intéressés à l’influence de la diversité des saveurs proposées les premières semaines de la diversification sur la diète ultérieure du nourrisson. Deux cent cinquante nouveau-nés ont été inclus puis tirés au sort pour soit débuter la diversification en testant de façon répétée des saveurs diverses selon une alimentation dite nordique soit débuter la diversification de façon standard, en suivant les recommandations générales. Dans tous les cas, la diversification était débutée entre 4 et 6 mois.

Protéines, sucres ajoutés…

Dans le groupe d’intervention (groupe alimentation nordique), les parents devaient proposer à leur nourrisson 24 jours de portions tests, la diète nordique comprenant des aliments plus âpres et amers, beaucoup de végétaux et une teneur plus faible en protéines animales. Les produits tests n’étaient pas disponibles dans le commerce : huit recettes étaient données aux parents qui devaient préparer les purées eux-mêmes. Ils pouvaient y rajouter le lait désiré (lait de mère, préparation pour nourrisson ou crème d’avoine). Du sucre était rajouté dans certaines purées de fruits très acides (airelles, framboises) pour augmenter la palatabilité. Chaque purée ou compote était présentée au total 9 fois à l’enfant, en petite quantité de 5 à 15 ml. Le comportement de l’enfant après chaque présentation de nourriture était noté. On considérait qu’il acceptait l’aliment s’il le prenait en bouche, qu’il l’avale ou non. Les parents pouvaient aussi avoir des informations (vidéo sur la préparation des recettes) et discussions via un groupe Facebook dédié. Après cette période test, il était proposé aux nourrissons du groupe « diète nordique » une alimentation diversifiée avec des ingrédients nordiques (petits pots) et un livre de recettes était délivré aux parents. Cette diète était riche en légumes, fruits et pauvre en protéines.

Peu de refus d’aliments

Au total, 125 enfants étaient dans le groupe « diète nordique ». Au cours de la première période de test, seulement 5 % de refus d’aliments ont été rapportés, et les légumes autant que les fruits étaient très bien acceptés par le nourrisson. À 6 et 9 mois, les apports énergétiques globaux étaient équivalents dans les groupes « diète nordique » et « diète standard » et les apports en protéines et glucides dans les normes de recommandations même si les nourrissons du groupe « diète nordique » avaient des apports inférieurs en protéines et supérieurs en glucides. Point intéressant, les nourrissons qui ont eu cette période de test avec découverte de nombreuses saveurs variées acceptaient plus volontiers les fruits et les légumes à l’âge de 9 mois. Les apports protéiques étaient inférieurs de 26 % dans ce groupe, sans impact sur la croissance ou les marqueurs biologiques du statut en fer.

Profiter de la diversification pour proposer une alimentation très variée

En conclusion, il apparaît que profiter largement du début de l’alimentation solide qui est une période d’acceptation plus facile de nouvelles saveurs par le nourrisson (période de sensibilité) en diversifiant largement les apports en fruits et légumes permet à l’enfant d’avoir une diète ultérieure plus riche en fruits et légumes et moins riche en protéines animales. Il apparaît aussi indispensable d’accompagner les parents dans cette démarche.
Ces études récentes soulignent encore une fois l’importance d’une alimentation très variée notamment en fruits et légumes durant la diversification, et en particulier durant les premières semaines. Il s’agit là d’un moment privilégié au cours duquel le nourrisson est beaucoup plus enclin à découvrir de nouvelles saveurs.
– Le recours à des produits industriels spécifiques bébé est maintenant largement répandu et les conseils des soignants (puéricultrices, pédiatres, etc.) doivent en tenir compte.
– Les parents doivent savoir lire les étiquettes des produits et privilégier les produits sans sucres ajoutés.
– La nouvelle réglementation abaisse la teneur maximale de protéines des formules infantiles, en passant d’un maximum de 3 g/100 kcal à 2,5 g/100 kcal.

Références
• Theurich MA, Zaragoza-Jordana M, Luque V et al. Commercial complementary food use amongst European infants and children: results from the EU Childhood Obesity Project. Eur J Nutr 2019. doi : 10.1007/s00394-019-02023-3.
• Johansson U, Öhlund I, Hernell O et al. Protein-Reduced Complementary Foods Based on Nordic Ingredients Combined with Systematic Introduction of Taste Portions Increase Intake of Fruits and Vegetables in 9 Month Old Infants: A Randomised Controlled Trial. Nutrients 2019 ; 11. pii : E1255. doi : 10.3390/nu11061255.