Nutriments Revue #3

Dans une vaste revue de la littérature (1), Betsy Lozoff (de l’Université du Michigan) fait le point sur le rôle du fer dans le système nerveux central, et sur les travaux évaluant l’impact d’un déficit ou d’une anémie ferriprive précoces sur le développement cognitif de l’enfant.

On sait que le taux de fer cérébral est important, qu’il existe des enzymes cérébrales fer-dépendantes, que le fer agit sur certains médiateurs du SNC, comme la dopamine et la sérotonine…
Et de nombreuses études ont été publiées sur la relation entre déficit en fer ou anémie ferriprive et fonctionnement cérébral.

• A l’occasion de cette review, B. Lozoff, qui a largement collaboré à ces travaux de recherche sur le fer, rappelle le lien entre déficit en fer ou anémie ferriprive précoces et diminution des performances cognitives, exécutives, comportementales, motrices, mais aussi l’aspect socio-émotionnel souvent négligé alors que ces troubles surviennent dès l’apparition d’un déficit.
L’auteur insiste aussi sur le risque de persistance de ces troubles à long terme, d’où l’importance de la prévention dès le plus jeune âge.

• Ce lien a encore récemment été confirmé par l’étude de R. Colin Carter et al. (2), à laquelle B. Lozoff a participé, chez 28 enfants présentant une anémie ferriprive, 28 enfants ayant une carence en fer sans anémie et 21 enfants ayant un déficit en fer. Leurs fonctions neurocognitives ont été évaluées entre l’âge de 9 mois et l’âge de 10 mois.

Au test de permanence de l’objet (objet placé sous un tissu- “A-not-B Test”), 64,3 % des enfants anémiés réussissent le test contre 87,8 % des enfants sans anémie (p = 0,02).
Au test de Fagan de “préférence de la nouveauté” (test de reconnaissance : 2 photos familières montrées à l’enfant, puis ajout d’une nouvelle), les enfants avec anémie sévère (Hb ≤ 105 g/l) manifestent moins de “préférence pour la nouveauté” que les autres enfants (56,7 % versus 60,3 % ; p < 0,05). Par ailleurs, une analyse post-hoc ne montre pas de différence significative entre les enfants carencés, mais non anémiés, et les enfants avec déficit en fer.

• A partir des données publiées chez l’enfant et d’études animales sur des modèles de déficit en fer induit, B. Lozoff fait le point sur les mécanismes et les zones cérébrales impliquées : la voie méso-corticale pour les fonctions exécutives, la voie méso-limbique pour l’affect et le comportement socio-émotionnel, la voie nigro-striée pour le contrôle moteur et la coordination… Un impact sur le taux de dopamine de ces différentes structures cérébrales est observé dès l’apparition d’un déficit, avant même l’installation d’une anémie.

La mise en évidence du rôle de la dopamine est importante car ce neurotransmetteur agit sur la régulation de la cognition et des émotions, de la récompense et du plaisir, des mouvements, et de la sécrétion de certaines hormones comme la prolactine. Mais d’autres neurotransmetteurs et d’autres structures cérébrales seraient également impliqués…

A noter : l’anémie ferriprive précoce, en elle-même, modifie le comportement socio-émotionnel. Elle est souvent associée à une fatigue, une baisse de l’attention, du jeu et de la motivation. Et les études suggèrent qu’un déficit du comportement socio-émotionnel et de l’attention rendent encore plus vulnérable les enfants touchés par une anémie en fer.

RÉFÉRENCES

1. Lozoff B. Early iron deficiency has brain and behavior effects consistent with dopaminergic dysfunction. J Nutr 2011 ; 141 (Suppl “Iron Works, The John Beard Memorial Symposium”) : 740S-746S.
2. Colin Carter R et al. Iron deficiency anemia and cognitive function in infancy. Pediatrics 2010 ; 126 : e427-e434.