Supplémentation Revue #15

Au cours de la première année de vie, les nourrissons nécessitent des apports alimentaires spécifiques, indispensables à leur croissance rapide et à leur développement. Les acides gras polyinsaturés à très longues chaînes : acide docosahexaénoïque (DHA, famille des omégas 3) et acide arachidonique (ARA, famille des omégas 6) sont toujours présents dans le lait maternel. Ces acides gras ont un rôle clef pour la structure et la fonction des tissus humains, du système immunitaire, du développement cérébral et rétinien lors de la petite enfance.
Une revue américaine très complète qui vient d’être publiée dans Nutrients reprend l’ensemble des connaissances actuelles sur les fonctions de ces 2 acides gras.

ARA et corps humain

Le cerveau des mammifères est composé à 60 % d’acides gras (dont environ 25 % d’ARA) et de DHA majoritairement sous forme de phospholipides, qui ont ainsi un rôle majeur dans la structure des membranes cellulaires neuronales. L’ARA s’accumule rapidement dans le cerveau en développement notamment entre le 3e trimestre de la grossesse et la 2e année de vie et contribue au processus de myélinisation. Plusieurs études, chez le babouin par exemple, ont conclu à son rôle dans la signalisation, le trafic cellulaire et dans la régulation des interactions spatio-temporelles entre les cellules cérébrales.
Des études cliniques et précliniques ont montré que les ARA jouent un rôle important dans la modulation de la réponse inflammatoire, notamment via l’eicosanoïde. Son impact dans l’évolution ou le déclenchement de maladies inflammatoires communes de l’enfant – comme l’asthme, l’eczéma, la dermatite atopique et les allergies alimentaires – est une thématique d’intérêt. D’autres fonctions ont aussi été décrites dans le développement osseux et la régulation de la vitamine D3 et de la parathormone ainsi que dans le fonctionnement du muscle cardiaque.

Apports d’ARA

Les synthèses d’ARA et de DHA sont limitées chez le nourrisson, l’apport devant être exogène. Dans le tissu du système nerveux central du nourrisson, l’ARA représente 10 à 12 % des acides gras totaux, et sa quantité semble essentiellement influencée par les apports alimentaires postnataux.
Il est recommandé que les nourrissons soient allaités jusqu’à l’âge de 6 mois et si possible jusqu’à 2 ans, selon l’OMS.
Les quantités de DHA et d’ARA dans le lait de la mère varient en fonction de son type d’alimentation, notamment en ce qui concerne les taux de DHA, ceux d’ARA étant supérieurs et plus stables. Cette relative stabilité en ARA est essentielle, car elle permet des apports lorsque la croissance et le développement cérébral sont les plus intenses. En réalité, la majorité de l’ARA du lait de la mère est issu des réserves maternelles et non d’origine alimentaire.
Dans les formules infantiles, le niveau de supplémentation devrait être basé sur les taux moyens d’ARA et de DHA contenus dans le lait maternel.
Dans l’alimentation solide, les sources majoritaires d’ARA sont : le boeuf, la volaille, les oeufs et les fruits de mer, contrairement au DHA que l’on trouve plutôt dans le poisson. Avoir une alimentation bien diversifiée est donc primordial chez l’enfant à partir de 6 mois (à noter que le début de la diversification doit se faire après 4 mois et de préférence avant 6 mois). Certaines limitations liées à des facteurs économiques, des croyances religieuses, ou l’idée que la viande ou le poisson ne sont pas adaptés aux jeunes enfants peuvent avoir un impact sur le niveau d’apports en omégas 3 et 6. De façon générale, les apports en DHA et ARA chutent de plus de 50 % après la diversification et il est largement admis que l’alimentation des jeunes enfants est à teneur faible en ARA.

Conséquences d’un déficit en ARA

Les déficits en acides gras essentiels altèrent le métabolisme lipidique et énergétique, les structures des membranes cellulaires, les voies de signalisation intracellulaire. En cas de carence profonde, l’issue est fatale (constat sur les animaux). Les mammifères sont donc dépendants d’une diète contenant des acides linoléique et alpha-linolénique qui sont ensuite transformés en acides gras à longue chaîne.

Supplémentation en DHA et ARA des formules infantiles

En Europe, l’addition de DHA et ARA est courante depuis très longtemps (avant 1994), mais est plus récente aux États-Unis (2001). De nombreuses études ont étudié l’effet de cette supplémentation, notamment chez le prématuré du fait de besoins accrus, sur le développement psychomoteur et neurosensoriel. Les conclusions des méta-analyses sont que les niveaux d’apport de ces formules infantiles doivent être comparables à ceux du lait de mère avec les mêmes ratios en DHA et ARA. Chez le nourrisson, la littérature est partagée, retrouvant ou non un effet bénéfique d’une supplémentation en omégas 3 et 6. Cependant, les études récentes montrent clairement de meilleures performances cognitives en cas de consommation de formule infantile enrichie pendant plus de 6 mois.
Deux équipes ont comparé la fréquence de maladies communes du nourrisson alimenté avec une formule infantile non enrichie ou enrichie en DHA (0,32 % des AG totaux)* et ARA (0,64 % des AG totaux). Ces études ont conclu à une diminution de la fréquence des bronchiolites/bronchites, congestions nasales, toux, diarrhées sévères en cas de supplémentation en n-3 et n-6. Une autre cohorte a suivi jusqu’à 3 ans des enfants nourris au cours de la première année avec une formule supplémentée ou non. Le risque de développement d’une infection respiratoire supérieure, d’asthme, de dermatite atopique ou d’allergie était inférieur dans le groupe formule enrichie.

Conclusion

Au total, l’intérêt d’une alimentation riche en omégas 3 et 6 est largement admis, et actuellement de nombreuses études en soulignent l’intérêt. ARA et DHA sont présents dans les formules infantiles à hauteur de 0,2 à 0,4 % du total des acides gras. Les quantités d’ARA et DHA nécessaires ont été calculées à partir de données mondiales basées sur leurs dosages dans le lait de mère et de recommandations d’experts.

 

* À noter que la recommandation pour le DHA est 0,5 % des acides gras totaux

 

RÉFÉRENCE
Nutrients 2016.
The Essentiality of Arachidonic Acid in Infant Development.
Hadley KB, Ryan AS, Forsyth S, Gautier S, Salem N.