Le zinc est un oligo-élément souvent négligé, mais pourtant indispensable. Il intervient dans l’activité de très nombreuses enzymes, en particulier celles impliquées dans la synthèse protéique (1). Ainsi, on retrouve le zinc au niveau des ADN et ARN polymérases, de la régulation des histones, ou encore de la lecture du génome au sein des protéines en doigt de zinc. On le retrouve également au niveau du métabolisme des acides gras, de la stabilisation de plusieurs hormones peptidiques comme l’insuline, la gustine, etc. Au total, près de 10 % des protéines humaines sont Zn-dépendante (2) !
Zinc : absorption et dosage
Le zinc est absorbé au niveau du duodénum et du jéjunum via les entérocytes. Cette absorption augmente en cas de carence ou de subcarence. Chez l’adulte, son stockage est essentiellement musculaire (pour 60 %) et osseux (pour 30 %) et son élimination se fait par l’urine et la peau.
Il n’est pas facile de déterminer avec précision le statut nutritionnel en zinc d’un individu. Pour ce faire, il est recommandé, chez l’enfant, d’évaluer :
1) ses apports nutritionnels ;
2) le dosage de la concentration plasmatique ou sérique ;
3) sa courbe staturo-pondérale et en particulier le poids pour taille.
Attention cependant, le dosage plasmatique peut être modifié par le taux d’albumine et le statut inflammatoire. Certains laboratoires peuvent également fournir des dosages de zinc érythrocytaire.
Une autre façon de doser le zinc est la mesure de sa concentration au niveau des cheveux, mais rarement disponible en pratique courante.
Zinc : sources
On trouve du zinc dans de très nombreux aliments, mais sa biodisponibilité est très variable, plus élevée à partir des aliments d’origine animale que végétale. De plus, certains aliments contenant des phytates (présents au niveau des graines de légumineuses et céréales), le calcium, ou la supplémentation en fer peuvent en diminuer l’absorption. Ainsi, les aliments raffinés sont moins riches en zinc, mais la biodisponibilité du zinc y est plus importante. En pratique, et avec une alimentation variée et diversifiée, le zinc est essentiellement apporté par la viande, les œufs, les produits laitiers et les céréales.
Zinc : carences et conséquences
Une carence en zinc chez le nourrisson va avoir des effets négatifs sur sa croissance. Dans une étude randomisée visant à analyser les effets d’une supplémentation en zinc chez des nourrissons avec retard de croissance, anciens prématurés ou nés à terme, Cho et al. en 2019 (3) ont mis en évidence un rattrapage pondéral dans le groupe supplémenté chez les enfants nés à terme. Cet effet pourrait, au moins en partie, être lié à une augmentation de l’IGF-1 circulante.
Au-delà de la période néonatale, la carence en zinc peut se manifester de multiples façons : par des lésions cutanées, notamment péri-orificielles, un retard de cicatrisation, une perte de cheveux, de la diarrhée, un déficit immunitaire ou un retard de développement. Le rôle du zinc au niveau cérébral est maintenant bien établi. Chez le fœtus et le nourrisson, la mise en place de la substance blanche nécessite un fonctionnement optimal des protéines en doigts de zinc type facteurs de transcription pour réguler la morphogénèse cérébrale, influençant la prolifération et la migration cellulaire. Chez le rat, une carence en zinc au moment de la gestation entraîne des défauts de fermeture du tube neural, des malformations cérébrales ou altère le développement cérébral.
Zinc : besoins
Les besoins précis en zinc du nourrisson en période néonatale sont débattus, mais estimés à 5 mg/jour entre 0 et 6 mois (4). Ces besoins sont normalement couverts par l’allaitement maternel ou les formules infantiles. Cependant, des carences ont été rapportées soit du fait d’un déficit en transporteur du zinc (gène SLC39A4), soit chez des nourrissons allaités par des mère carencées généralement du fait d’un régime vegan (5) trop pauvre en zinc. Il faut savoir y penser chez un nourrisson présentant un rash érythémateux et érosif (6).
Zinc : recommandations
Ainsi, dans l’étude de Dumronwongsiri et al. (7) menée au sein d’une population thaïlandaise, 7,6 % des nourrissons âgés entre 4 et 6 mois avaient une carence en zinc. Celle-ci était plus fréquente si l’enfant était exclusivement allaité, en comparaison à l’allaitement mixte ou à une formule infantile. Les nourrissons carencés avaient très majoritairement une mère elle-même carencée. Il est donc important d’évaluer la diète maternelle lors de l’allaitement (8), les besoins grimpant à 15-23 mg/j comparés à des besoins de 7 à 12 mg/j chez la femme non allaitante (9) (Tableau).
Chez le nourrisson au-delà de 1 an, les recommandations d’apports varient de 4 à 8 mg/j puis de 5 à 11 mg/j entre 4 et 9 ans, dans le cadre d’une alimentation équilibrée, avec des besoins plus faibles si l’alimentation est riche en protéines animales et plus élevée si elle en est pauvre (7, 9).
À l’inverse, il n’y a pas lieu de supplémenter en l’absence de carence. Au-delà de 50 mg/j, des complications apparaissent : baisse de ferritine, du cuivre, des HDL, etc.
RÉFÉRENCES
1. Martin A. Apports nutritionnels conseillés pour la population française. Tec & Doc 2001, 3e édition.
2. Brion LP, Heyne R, Lair CS. Role of zinc in neonatal growth and brain growth: review and scoping review. Pediatr Res 2020. doi: 10.1038/s41390-020-01181-z.
3. Cho JM, Kim JY, Yang HR. Effects of oral zinc supplementation on zinc status and catch-up growth during the first 2 years of life in children with non-organic failure to thrive born preterm and at term. Pediatr Neonatol 2019 ; 60 : 201-9. doi: 10.1016/j.pedneo.2018.06.006.
4. Black MM et al. Cognitive and motor development among small-for-gestational-age infants: impact of zinc supplementation, birth weight, and caregiving practices. Pediatrics 2004 ; 113 : 1297-305.
5. Bakaloudi DR, Halloran A, Rippin HL et al. Intake and adequacy of the vegan diet. A systematic review of the evidence. Clin Nutr 2020 : S0261-5614(20)30656-7. doi: 10.1016/j.clnu.2020.11.035.
6. Schröder SD, Griebl SW. Zinc Deficiency-Associated Dermatitis. N Engl J Med 2020 ; 383 : e103. doi: 10.1056/NEJMicm2003516.
7. Dumrongwongsiri O, Suthutvoravut U, Chatvutinun S et al. Maternal zinc status is associated with breast milk zinc concentration and zinc status in breastfed infants aged 4-6 months. Asia Pac J Clin Nutr 2015 ; 24 : 273-80. doi: 10.6133/apjcn.2015.24.2.06.
8. Bzikowska-Jura A, Sobieraj P, Michalska-Kacymirow M, Wesołowska A. Investigation of Iron and Zinc Concentrations in Human Milk in Correlation to Maternal Factors: An Observational Pilot Study in Poland. Nutrients 2021 ; 13 : 303. doi: 10.3390/nu13020303.
9. EFSA Panel on Dietetic Products, Nutrition and Allergies. Scientific Opinion on Dietary Reference Values for zinc. EFSA Journal 2014 ; 12 : 3844.