Nutriments, Préparations infantiles Revue #20

De la naissance à l’âge de 3 ans, l’enfant se développe rapidement, tant physiquement qu’au plan neuro-cognitif. L’alimentation, durant cette période, a un impact bien établi sur le développement à court et moyen terme de l’enfant et sur le risque de développer des maladies chroniques à l’âge adulte. La plupart des pays, dont la France, a émis des recommandations nutritionnelles (apports nutritionnels conseillés ou ANC et plus récemment référence nutritionnelle pour la population ou RNP) aux différents âges de la vie. Dans l’article étudié (1), ce sont les Dietary Reference Values de l’EFSA qui ont été prises comme référence. Tous les 8 ans, le Secteur Français des Aliments de l’Enfance (SFAE) promeut une large enquête transversale sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant. Les résultats concernant les apports alimentaires et les apports en macronutriments de la dernière de ces enquêtes, l’enquête Nutribébé 2013, ont été analysés et publiés récemment dans l’European Journal of Nutrition (2).

L’étude

Cette enquête, menée par TNS-Sofres, a permis d’enrôler 1 184 enfants âgés de 15 jours à 36 mois dans différentes régions de France. Leurs consommations alimentaires ont été décrites (par un questionnaire validé) de façon précise sur 3 jours non consécutifs, dont 1 jour de week-end. Deux interviews en vis-à-vis ont permis d’aider les personnes en charge de l’enfant à compléter le plus précisément possible les questionnaires. Parmi les 1 184 nourrissons et enfants, seuls 149 étaient partiellement ou totalement allaités. Comme les volumes de lait consommé et la composition du lait de mère n’étaient pas connus, l’analyse a porté sur les 1 035 enfants non allaités.

Consommation de lait infantile

Parmi les nourrissons non allaités, 95 % consomment une formule infantile (FI) de façon exclusive jusqu’à l’âge de 3 mois. L’âge moyen de la diversification alimentaire était de 5,4 ± 2,1 mois. Ainsi, à 7 mois de vie, les FI représentaient 50 % de l’apport énergétique (en g/jour, excluant l’eau) pour la moitié des nourrissons. Après l’âge de 1 an, les formules infantiles ne représentaient plus que 22 % des apports et un enfant sur deux ne consommait plus de formules infantiles à 2 ans. Dès l’âge de 7 mois, 13 % des nourrissons prenaient déjà du lait de vache, le plus souvent demi-écrémé, et 53,5 % pour les 12 -17 mois.

Consommation d’eau

La consommation d’eau augmentait progressivement avec l’introduction de la nourriture solide, mais restait relativement basse dans la cohorte, dépassant rarement un quart de litre après 30 mois. À l’âge de 30 mois : seulement 10 % des enfants buvaient plus de 500 ml d’eau et 10 % en buvaient moins de 70 ml/jour. Ainsi, cette consommation en eau apparaît particulièrement faible et souligne la nécessité d’alerter et d’informer les parents sur l’importance de proposer de l’eau à leur enfant dès les premiers mois de sa diversification alimentaire.

Apports énergétiques

Les apports énergétiques totaux (AET) augmentaient avec l’âge : proche de 550 kcal/jour à 3 mois et de 1 000 kcal/jour à 18 mois. Il existait cependant de grandes variations inter-individuelles surtout après l’âge de 18 mois. Au total, ces AET étaient très fréquemment au-delà des recommandations de l’EFSA (European Food Safety Authority), entre 58 et 92 % des cas selon les tranches d’âge. Pour les moins de 1 an, entre 50 à 80 % des nourrissons avaient des AET/kg au-delà des recommandations. Cependant l’ensemble des poids des enfants s’inscrivait entre -2 et +2 Z-score des courbes de référence de l’OMS.

De 0 à 3 ans, la part des apports protéiques se majorait, passant de 8 à 16 % tandis que la part des apports en lipides diminuait de 46 à 29 %. En fait, à partir de l’âge de 4 mois, 100 % de la population étudiée avaient des apports protéiques supérieurs aux recommandations, passant d’une moyenne de 1,9 g/kg/jour avant 3 mois à 3,4 g/kg/jour à 18 mois. Au-delà de l’âge de 5 mois, les apports en lipides étaient très fréquemment en deçà des recommandations de l’EFSA (entre 81 et 99 % des enfants entre 5 et 24 mois). Mais, là encore, il existait de grandes variations inter-individuelles. Pour la consommation d’acide docosahexaénoïque (DHA), elle était très souvent en deçà des recommandations, la source principale étant les formules infantiles chez le nourrisson avant diversification puis le poisson. Les apports en glucides bien qu’extrêmement variables selon les enfants, étaient très fréquemment au-delà de la limite supérieure de l’EFSA. Avant 3 mois, il s’agissait surtout de lactose. Par la suite, l’amidon représentait moins de 50 % des apports en fonction de l’âge.

Conclusion

Au total, l’analyse de cette large cohorte, représentative de la population Française métropolitaine (1) révèle que, de façon générale, les jeunes enfants ont un régime riche en protéines, et relativement pauvre en lipides, en regard des recommandations nutritionnelles de l’EFSA. Pour la consommation de fibres et d’eau, il est constaté également des apports faibles. Comme déjà noté lors de la précédente enquête de 2005, il apparaît que l’arrêt des préparations de suite et de lait de croissance est souvent précoce.
Vers 11-12 mois, les apports en acides gras essentiels deviennent insuffisants. Les apports en DHA le sont aussi dans cette enquête, mais on peut supposer qu’ils augmenteront avec l’entrée en vigueur en 2020 de la réglementation sur l’obligation de supplémenter les FI.

Références
1. Chouraqui JP, Tavoularis G, Simeoni U et al. Food, water, energy, and macronutrient intake of non-breastfed infants and young children (0–3 years). European Journal of Nutrition 2019. https://doi.org/10.1007/s00394-018-1883-y.
2. Chouraqui JP, Tavoularis G, Emery Y et al. The French national survey on food consumption of children under 3 years of age – Nutri-Bébé 2013: design, methodology, population sampling and feeding practices. Public Health Nutr 2018 ; 21 : 502-514. https://doi.org/10.1017/S1368980017002518.