Le fer est un élément essentiel à de nombreuses voies métaboliques : production d’énergie, synthèse d’ADN, transport de l’oxygène ou encore fonction immunitaire. La carence martiale est la plus fréquente des carences en micronutriments. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 40 % des enfants de moins de 5 ans et 40 % des femmes enceintes ou allaitantes sont anémiques. En plus des conséquences hématologiques (anémie ferriprive), une carence martiale chez le nourrisson et l’enfant peut avoir une incidence sur son développement cérébral (myélinisation, synthèse des neurotransmetteurs) et son immunité. À l’opposé, un excès de fer peut provoquer des diarrhées, une altération du système immunitaire et des troubles neurocognitifs. De plus, un excès de fer pendant la grossesse peut entraîner un diabète gestationnel, un stress oxydatif, une inflammation, voire des malformations fœtales.
Ainsi, la quantité de fer dans l’organisme doit être régulée. En pratique, il n’y a pas de sécrétion du fer, c’est donc l’absorption et le stockage du fer qui sont régulés afin d’éviter à la fois la carence et la surcharge. Ces mécanismes biologiques sont complexes. Qiu et al. ont récemment publié une revue exposant ce qu’il est actuellement connu de ces mécanismes.
Mécanismes biologiques chez l’adulte
Le fer alimentaire existe sous deux formes, le fer héminique (issu des produits animaux) et le fer non héminique (présent dans les végétaux). Le fer héminique est beaucoup mieux absorbé que le fer non héminique, qui nécessite une réduction de Fe³⁺ en Fe²⁺ pour être absorbé.
Chez l’adulte, l’absorption du fer se fait principalement au niveau du duodénum et du jéjunum proximal. En pratique, le transport du fer non héminique vers les entérocytes est assuré par le transporteur DMT1. Une fois dans la cellule, le fer est stocké sous forme de ferritine ou exporté vers la circulation sanguine par la ferroportine. L’export est facilité par l’enzyme HEPH qui oxyde le fer pour qu’il se lie à la transferrine dans le sang. Le fer héminique est absorbé différemment, probablement via les transporteurs avant d’être traité de la même manière que le fer non héminique.
Le fer ne peut pas être éliminé activement par l’organisme, son équilibre est donc régulé au niveau de l’absorption intestinale. Le régulateur principal de l’absorption du fer est l’hormone hepcidine, produite par le foie. Elle contrôle négativement l’absorption du fer en se liant à ferroportine, provoquant sa dégradation et diminuant ainsi le passage du fer dans le sang. La production d’hepcidine augmente quand les réserves de fer sont suffisantes et diminue en cas de carence ou de besoins accrus (croissance, grossesse, pertes sanguines).
La régulation de l’hepcidine est influencée par différents facteurs. En cas d’inflammation par exemple, la production d’hepcidine est stimulée via l’interleukine-6, limitant ainsi le fer disponible pour les agents pathogènes. Ce mécanisme est à l’origine des anémies inflammatoires.
La complexité de ces mécanismes explique également pourquoi les individus n’ont pas tous les mêmes capacités à absorber et stocker le fer. Si ces mécanismes d’absorption du fer commencent à être bien connus chez l’adulte, il en est tout autrement du nourrisson.
Mécanismes d’absorption chez le nourrisson allaité
L’absorption du fer est beaucoup plus efficace chez le nourrisson allaité que chez le nourrisson sevré, sans qu’on en ait clairement compris les raisons.
En pratique, il semble que le nourrisson allaité puisse absorber le fer non seulement au niveau du duodénum (comme chez les adultes), mais aussi dans les parties distales de l’intestin (iléon et côlon), ce qui reflète une adaptation évolutive pour maximiser l’absorption du fer provenant du lait maternel, qui en contient peu. Il y a beaucoup d’autres différences dans les mécanismes physiologiques de l’absorption du fer par les nourrissons allaités en comparaison de l’adulte. Par exemple, le transporteur DMT1, essentiel après sevrage est faiblement exprimé pendant l’allaitement. La ferroportine, quant à elle, pourtant indispensable au transport du fer absorbé, ne semble pas régulée par les réserves de fer ou l’apport alimentaire durant l’allaitement, ce qui suggère l’existence de voies alternatives de transport du fer. Enfin, l’hepcidine, qui régule l’absorption du fer chez l’adulte, est peu exprimée chez les nourrissons allaités et ne semble pas réguler l’activité de ferroportine à ce stade de développement.
Ainsi, les mécanismes d’absorption et de régulation du fer chez les nourrissons allaités diffèrent de ceux des adultes. Ces mécanismes sont essentiels à comprendre au vu de la fréquence de la carence martiale et de ses conséquences sur le développement du nourrisson.
RÉFÉRENCES
Qiu L, Frazer DM, Hu M et al. Mechanism and regulation of iron absorption throughout the life cycle. Adv Res 2025 : S2090-1232(25)00002-5.