Préparations infantiles, Recommandations et réglementations Revue #23

Les préparations lactées pour enfants en bas âge, plus communément appelées laits de croissance (LC), ont été spécifiquement développées pour les enfants non allaités âgés de 12 à 36 mois. Ils ont une teneur réduite en protéines, sont enrichis en fer, vitamines et acides gras essentiels. En effet, la consommation de lait de vache non modifié par des nourrissons de plus de 1 an est associée à des apports insuffisants en micronutriments (vitamines C, D et E, fer), acides gras essentiels et des apports excessifs en protéines (1).

Le rôle des omégas 3 et 6 dans le développement et le fonctionnement du cerveau et du système immunitaire est bien établi. De meilleures performances cognitives en cas de consommation prolongée de formule infantile enrichie en acides gras polyinsaturés à longues chaines ont été rapportées (2). Les apports nutritionnels conseillés en acide linoléique et acide alpha-linolénique pour les enfants de 1 à 3 ans sont de 2,7 % et 0,45 % de l’apport énergétique (3).

Lutter contre la carence en fer

Le fer est un micronutriment déterminant dans le développement de l’enfant. Sa carence est la plus fréquente des carences en micronutriments, même dans les pays dits « développés ». Elle peut être associée à un moins bon développement psychomoteur (4), en particulier lors de la période néonatale.

Selon les pays, différentes stratégies ont été mises en place pour lutter contre ce défaut d’apports en fer. La stratégie française repose sur un encouragement, chez le nourrisson diversifié, à une consommation d’aliments riches en fer (viande rouge par exemple) dans la mesure des apports recommandés en protéines et à une consommation de lait de croissance à partir de l’âge de 10-12 mois et jusqu’à 3 ans.

Étude CARMA

L’étude CARMA (5), publiée récemment dans Clinical Nutrition, a permis d’évaluer l’intérêt de la recommandation de consommation de lait de croissance chez l’enfant entre 1 et 3 ans pour leur apport en fer. Pour cela, 58 pédiatres membres de l’association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) répartis sur l’ensemble des régions de France métropolitaine ont inclus chacun 10 nourrissons sans pathologie chronique sévère ou nutritionnelle associée, âgés de 22-26 mois de façon consécutive. Entre janvier 2016 et décembre 2017, 830 nourrissons ont été recrutés par 58 pédiatres mais seules les données de 561 nourrissons étaient complètes (bilan sanguin et entretien nutritionnel) et ont pu être analysées. L’âge moyen de ces nourrissons était de 24 mois. 73% d’entre eux consommaient du LC et 33 % du lait de vache.

Les apports totaux en fer étaient suffisants, soient au moins 5 mg/jour (recommandation EFSA) chez 82 % des nourrissons.

En revanche, sans LC, 63 % des nourrissons étaient en-deçà des apports recommandés. Une carence en fer, définie par un taux de ferritine < 12 µg/l était présente chez 6,6 % des nourrissons et chez 3,9 % pour un seuil de ferritine < 10 µg/l. En analyse multivariée, les facteurs protecteurs de carence en fer étaient la consommation par l’enfant de LC après 10 mois même en faible quantité et la consommation prolongée de lait de croissance.

Ainsi, la promotion du passage aux préparations lactées pour enfant en bas âge en relais du lait de suite parait une stratégie profitable pour prévenir la carence en fer des jeunes enfants.

Stratégie confirmée par d’autres enquêtes

Cette conclusion est aussi relevée dans un article récent paru dans Nutrients (6). Les auteurs ont analysé de façon détaillée les enquêtes alimentaires réalisées dans le cadre de l’étude NutriBébé. Cette étude, conduite en 2013 avait inclus plus de 1 000 nourrissons non allaités pour lesquels des données nutritionnelles précises sur 3 jours avaient été recueillies. Dans cette cohorte, 241 nourrissons étaient âgés de 1-2 ans et 206 de 2-3 ans. Les auteurs ont comparé les apports nutritionnels et micro-nutritionnels des nourrissons consommant ou non du LC. Les différences d’apport entre les deux groupes étaient majeures, le groupe « consommateur de lait de croissance » étant beaucoup plus proche des apports recommandés pour l’âge (Tableau).

En particulier, dans le groupe « non consommateur de lait de croissance », les apports en protéines et en sel étaient supérieurs, même si dans les deux cas (consommateurs et non-consommateurs), ils étaient au-delà des apports recommandés par l’Efsa (European Food Safety Authority). La consommation de LC était également associée à des apports en acides gras essentiels, vitamines A, B (sauf B12), C, D, E et fer supérieurs. Les auteurs ont calculé qu’une quantité d’au moins 360 ml de LC/jour était nécessaire pour atteindre les apports préconisés par l’Efsa en sachant que dans cette enquête la consommation moyenne de LC dans le groupe concerné était de 422 (± 244) ml/j chez les 1 à 2 ans, et de 362 (± 218) ml/jour chez les 2-3 ans mais avec des écarts très importants entre les enfants.

L’importance d’une alimentation équilibrée et adaptée aux premières années de vie implique de s’intéresser de près aux apports nutritionnels des nourrissons. Comme souligné par les auteurs Chouraqui et al., la consommation de LC n’est pas une nécessité pour avoir des apports nutritionnels adéquats. Cependant, la consommation de LC est fortement conseillée en France, aux vues de la stratégie adoptée pour lutter contre la carence martiale. Et, comme montré dans cette dernière étude, la consommation de LC est un moyen simple pour aider à équilibrer l’alimentation du jeune enfant. Actuellement très répandue, la consommation de LC n’est cependant pas généralisée et son coût plus élevé que celui du lait de vache doit être pris en compte dans les conseils aux familles.

RÉFÉRENCES
1. Ghisolfi J, Vidailhet M, Fantino M et al. Lait de vache ou lait de croissance : quel lait recommander pour les enfants en bas âge (1–3 ans) ? Arch Pediatr 2011 ; 18 : 355.
2. Hadley KB, Ryan AS, Forsyth S et al. The Essentiality of Arachidonic Acid in Infant Development. Nutrients 2016 ; 8 : 216.
3. Ansm. Avis relatif à l’actualisation des apports nutritionnels conseillés pour les acides gras. 2010.
Vandenplas Y, De Ronne N, Van De Sompel A et al. A Belgian consensus-statement on growing-up milks for children 12-36 months old. Eur J Pediatr 2014 ; 173 : 1365-71.
4. Sacri A, Bocquet A, de Montalembert M et al. Young children formula consumption and iron deficiency at 24 months in the general population: A national-level study. Clinical Nutrition 2020 ; S0261-5614(20)30215-6.
5. Chouraqui JP, Turck D, Tavoularis G et al. The Role of Young Child Formula in Ensuring a Balanced Diet in Young Children (1-3 Years Old). Nutrients 2019 ; 11 : 2213
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