Le taux de prescription d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) chez les nourrissons a beaucoup augmenté ces 15 dernières années, et environ 6 % des nourrissons de moins de 1 an sont traités par IPP alors qu’ils n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette tranche d’âge (1).
Comme pour l’adulte et le grand enfant, la majorité des indications de prescription des IPP chez le nourrisson est le reflux gastro-œsophagien (RGO). Pourtant, le RGO non compliqué du nourrisson est très différent de celui de l’adulte, car il est physiologique, peu fréquemment acide, et n’est, dans la majorité des cas, pas amélioré par les IPP.
Bien sûr, certains nourrissons ont un RGO compliqué d’œsophagite (dont le diagnostic est endoscopique), d’hématémèse ou de syndrome de Sandifer (ou dystonie paroxystique) justifiant une prescription d’IPP, mais ces situations cliniques sont peu fréquentes.
En parallèle, les effets secondaires des IPP sont de plus en plus décrits. Certains sont bénins, mais d’autres sont graves (pancréatite, hépatite fulminante, agranulocytose, épisodes de confusion mentale, etc.) ou tardifs (augmentation de la susceptibilité aux infections respiratoires et digestives à Clostridioides difficile, augmentation du risque fracturaire, majoration du risque d’allergie alimentaire chez des enfants) (1).
C’est dans ce contexte que la Haute Autorité de santé (HAS) a émis en 2024 des recommandations sur le traitement du RGO du nourrisson, dans l’objectif de réduire le mésusage, ou la prescription inappropriée, au regard des connaissances scientifiques, des IPP.
La HAS rappelle qu’il faut distinguer les RGO non compliqués (régurgitations simples, sans signes d’alerte), des RGO pathologiques (2). Il faut au moins deux signes cliniques d’alerte (refus alimentaire, retard de croissance, changement de comportement [cris/irritabilité] ou symptômes ORL/respiratoires récurrents) pour suspecter un RGO pathologique. Attention, les pleurs, l’irritabilité, le mâchonnement, les cambrements en arrière lors de l’alimentation ne sont généralement pas liés au RGO et ne répondent pas aux IPP.
Dans les situations de RGO du nourrisson, la HAS préconise dans un premier temps de vérifier la reconstitution des biberons et les volumes proposés à l’enfant. L’utilisation d’épaississants exogènes ou déjà intégrés dans les laits infantiles (laits anti-reflux) est efficace pour diminuer le nombre de régurgitations. On peut aussi conseiller aux parents de maintenir l’enfant en proclive dans les bras après le repas. Il doit en revanche être couché à plat sur le dos lors des périodes de sommeil. En cas de suspicion d’allergie non-IgE médiée aux protéines du lait de vache (PLV), un test d’éviction de 2 à 4 semaines des PLV suivi d’une réintroduction est la méthode diagnostique de référence.
En revanche, la HAS recommande la réalisation d’examens complémentaires (pH-métrie ou impédancemétrie) avant toute prescription d’IPP pour un RGO. La survenue d’une hématémèse doit faire soupçonner une œsophagite et un avis spécialisé est nécessaire.
Lorsque la prescription d’IPP est requise, la posologie recommandée est de 1 mg/kg en une prise/jour pendant 4 à 8 semaines maximum.
Ainsi, la HAS insiste sur une utilisation raisonnée et limitée des IPP qui sont dans la grande majorité des situations non nécessaires chez le nourrisson. En cas de suspicion de RGO compliqué, l’enfant doit être adressé à un pédiatre, voire à un gastropédiatre. Enfin, une mise à jour des recommandations internationales sur le traitement du RGO du nourrisson est prévue prochainement.
Références
- Lassalle M, Zureik M, Dray-Spira R. Proton Pump Inhibitor Use and Risk of Serious Infections in Young Children. JAMA Pediatr 2023 ; 177 : 1028-38.
- Jung C, Clouzeau H, Nedjadi KB et al. Gastroesophageal reflux within first year of life: What new recommendations from French National Authority for Health (HAS) tell us. Arch Pediatr 2025 ; 32 : 2-3.