Lorsque l’allaitement maternel n’est pas possible ou non souhaité, il est nécessaire de nourrir un nourrisson avec une formule infantile ou préparation pour nourrisson (PPN). La composition de ces formules est très réglementée, afin d’être le plus proche possible des besoins nutritionnels des nourrissons, donc de la composition du lait maternel. Des apports nutritionnels adéquats sont en effet un prérequis pour une croissance et un développement optimal. Cependant, concernant les lipides, certaines interrogations persistent notamment concernant les apports en acide docosahexaénoïque (DHA) et acide arachidonique (ARA). Différentes instances ont défini des apports jugés optimaux pour les nourrissons (Tableau).
Chez le nourrisson au-delà de 1 an, les recommandations d’apports varient de 4 à 8 mg/j puis de 5 à 11 mg/j entre 4 et 9 ans, dans le cadre d’une alimentation équilibrée, avec des besoins plus faibles si l’alimentation est riche en protéines animales et plus élevée si elle en est pauvre (7, 9).
À l’inverse, il n’y a pas lieu de supplémenter en l’absence de carence. Au-delà de 50 mg/j, des complications apparaissent : baisse de ferritine, du cuivre, des HDL, etc.
Place des acides gras ARA : application en 2020 et 2022
En 2014, puis en 2020, l’EFSA a recommandé que les préparations contiennent entre 20 et 50 mg/100 kcal de DHA sans ajout nécessaire d’ARA, recommandation qui a ensuite été introduite dans le règlement délégué européen directive 2016/127 pour une application en février 2020 pour les PPN «standard» et repoussée à février 2022 pour les PPN à base d’hydrolysats de protéines.
Depuis ce changement de réglementation, plusieurs experts se sont interrogés sur l’absence d’ARA. Tounian et al., dans un article d’octobre 2020 paru dans les Archives de pédiatrie, ont revu les arguments contre et pour l’ajout d’ARA.
DHA et ARA sont des acides gras polyinsaturés à très longues chaines (AGPI-LC) contenant entre 20 et 24 carbones. Parmi ces AGPI-LC, on distingue les omégas 3, dont la double liaison de la chaîne carbonée est sur la troisième liaison carbone-carbone, et les omégas 6, dont la double liaison de la chaîne carbonée est sur la sixième liaison carbone-carbone. Les précurseurs de ces acides gras sont dits essentiels car l’être humain ne peut pas les synthétiser, et il est donc nécessaire d’avoir des apports alimentaires en omégas 3 et 6, ce d’autant que leur rôle dans le développement du jeune enfant est primordial. Le DHA est essentiellement présent au niveau cérébral et rétinien. On retrouve l’ARA au niveau du cerveau, mais aussi des muscles, du cœur, du foie, de l’endothélium vasculaire, etc.
Place des acides gras ARA : les études
Les recommandations de l’EFSA pour ne supplémenter qu’en DHA se sont fondées sur des études contrôlées randomisées qui n’ont pas montré de bénéfice à l’apport d’ARA en plus du DHA sur la croissance. Par ailleurs, les études sur l’animal ou les enfants décédés ont souligné que l’accrétion cérébrale de DHA était influencée par les apports alimentaires, ce qui n’est pas le cas pour l’ARA. Enfin, les études sur la vision de l’enfant ont montré un bénéfice à l’ajout de DHA seul dans les formules infantiles.
Cependant, il existe également des arguments pour une supplémentation en ARA en plus du DHA. Le premier est que le lait de mère contient de l’ARA et pas seulement du DHA avec des ratios ARA/DHA qui peuvent être de 2:1. Ensuite, même si le nourrisson est capable de synthétiser de l’ARA à partir du précurseur de la chaine l’acide linoléique, cette synthèse est très faible et insuffisante pour couvrir les besoins lors de son développement rapide, ce d’autant que certains variants génétiques sont associés à une activité enzymatique faible des désaturasesimpliquées dans la synthèse des omégas 6. Enfin, les études récentes suggèrent qu’un apport équilibré entre DHA et ARA (DHA/ARA ratio) serait le plus bénéfique pour un développement cérébral et immunitaire optimal.
Les omégas 3 et 6 sont largement impliqués dans la physiologie humaine, rendant difficile l’évaluation des apports. Le ratio optimal d’apports en DHA/ARA dans les formules infantiles reste à déterminer même si les PPN ont récemment évolué suite aux changements de la législation.
RÉFÉRENCES
1.Tounian P, Bellaïche M, Legrand P. ARA or no ARA in infant formulae, that is the question. Arch Pediatr 2021 ; 28 : 69-74. doi: 10.1016/j.arcped.2020.10.001.