Préparations infantiles Revue #2

Lait de croissance ou lait de vache ?

Dans un éditorial des Archives de Pédiatrie (1), les experts du Comité de nutrition de la Société Française de Pédiatrie font le point sur le choix des apports en lait chez les enfants de 1 à 3 ans. Quelle est leur analyse et quelles sont leurs conclusions ?

Si le PNNS (2) recommande de façon claire de donner la préférence aux préparations infantiles destinées aux nourrissons et enfants en bas âge, des avis contradictoires ont parfois été émis sur les avantages du lait de croissance ou sur l’utilisation du lait de vache chez l’enfant en bas âge. Comme pour la plupart des études portant sur la nutrition, les publications de type “médecine basée sur les preuves” manquent car elles sont difficiles à réaliser ; les auteurs estiment donc que le seul moyen « pour évaluer les bénéfices et les risques respectifs de ces 2 types de laits ne peut être que l’estimation de la qualité des apports nutritionnels découlant de leur utilisation par rapport aux apports nutritionnels conseillés (ANC) ou au besoin nutritionnel moyen (BNM) pour cette tranche d’âge ».

« Le lait de vache doit-il être recommandé pour les enfants de 1 à 3 ans ? »

Avant l’âge de 6 mois, en période d’alimentation lactée exclusive, l’allaitement maternel est recommandé. A cet âge, le lait de vache ne doit pas être utilisé car il expose à des déficiences nutritionnelles et à des troubles digestifs (2).

Selon les auteurs, lorsque l’enfant a une alimentation diversifiée (après 6 mois et surtout après 1 an), le lait de vache « n’est plus qu’un élément de la consommation alimentaire quotidienne, et sa responsabilité éventuelle dans la survenue d’inadéquations des apports nutritionnels est moindre. Elle a été démontrée uniquement pour le fer et la vitamine D ».

Les auteurs de cet éditorial s’appuient sur les données d’une enquête réalisée en 2005 sur les apports nutritionnels d’un pannel représentatif de la population des enfants français de moins de 36 mois, non allaités. Chez les enfants âgés de 12 mois à 24 mois (63 enfants) chez lesquels l’apport lacté était uniquement constitué de lait de vache ou de produits lactés à base de lait de vache, l’enquête montre un apport important en protéines et un apport faible en acide gras essentiels, fer, zinc, vitamines C, D et E, par rapport aux ANC.
Les auteurs soulignent que la consommation de lait de vache contribue à cette situation nutritionnelle, mais que « cette analyse doit cependant être pondérée ». Ainsi, on ignore « au-dessous de quels niveaux d’insuffisance d’apports un risque pour la santé des enfants est à craindre pour tous ces nutriments » et, pour les protéines, « la relation avec la survenue ultérieure d’une augmentation de l’index de corpulence n’est pas prouvée ».
Ils soulignent également qu’une « modification de la consommation des aliments non lactés peut permettre, mais de façon incomplète, la mise en adéquation des apports avec les ANC » (consommation de davantage d’huiles végétales pour les AGE, légumes et fruits frais pour la vitamine C) et que « la correction du déficit en vitamine D nécessite toujours un apport médicamenteux » ; en revanche, la prévention de la carence martiale par des aliments riches en fer est difficile à réaliser en pratique.

« Les laits de croissance doivent-ils être recommandés ? »

Les auteurs rappellent que la composition des laits de croissance est réglementée : elle relève de la Directive 2009/39/CE (3) ; cette composition doit « être telle que ces produits sont appropriés à l’objectif nutritionnel auquel ils sont destinés », c’est-à-dire « une contribution significative à une bonne couverture des apports nutritionnels par rapport aux ANC ».

Dans l’enquête de 2005 sur les apports nutritionnels des nourrissons et enfants en bas âge en France, 55 enfants de 12 à 24 mois consommaient au moins 250 ml/j de lait de croissance. Les auteurs indiquent que les inadéquations des apports constatées dans cette enquête chez les enfants nourris au lait de vache étaient toutes corrigées chez ces enfants nourris avec du lait de croissance, à l’exception de la vitamine D (mais les apports en vitamine D sont en pratique compensés par une supplémentation systématique), et qu’aucun excès d’apport n’a été noté avec le lait de croissance par rapport aux ANC.

Pour les auteurs de cet éditorial, un obstacle à la consommation du lait de croissance souvent évoqué est d’ordre financier – le surcoût pour 350 ml de lait de croissance, par rapport au lait de vache, est de + 0,25 à 0,65 euros (estimation annuelle : + 92 à 237 euros) – et cela est susceptible de poser un problème pour les familles les plus défavorisées qui sont également les plus exposées aux risques d’apports nutritionnels non adéquats.

En conclusion

Le groupe d’experts du Comité de Nutrition de la Société Française de Pédiatrie signataire de cet éditorial conclut que l’on « dispose (…) d’assez d’arguments pour assurer que l’emploi de lait de vache pour les enfants de 1 à 3 ans est un facteur indiscutable d’inadéquation de leurs apports nutritionnels par rapport aux ANC (…). A l’inverse, les laits de croissance contribuent, sauf pour la vitamine D, à une bonne couverture de tous les besoins nutritionnels de ces enfants, quelle que soit leur prise de denrées non lactées, sans aucun risque d’excès d’apport. (…) ».

POUR EN SAVOIR PLUS

1. Ghisolfi J, Vidailhet M, Fantino M et al. Lait de vache ou lait de croissance : quel lait recommander pour les enfants en bas âge (1-3 ans) ? Arch Pediatr 2011 ; 18 (4) : 355-8.
2. Afssa, Inpes. Programme National Nutrition Santé. Guide de nutrition des enfants et des ados pour les parents. Livret d’accompagnement destiné aux professionnels de santé, 2004.
3. Directive 2009/39/CE relative aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière. Journal Officiel de l’Union Européenne du 20 mai 2009.