En octobre 2023, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié des recommandations sur l’alimentation et la diversification alimentaire des nourrissons et enfants en bas âge, nés à terme, en bonne santé, allaités ou non allaités, âgés de 6 à 23 mois et grandissant dans les pays peu développés, émergents ou développés.
Plusieurs sociétés savantes, dont l’European Society for Paediatric Gastroenterology Hepatology and Nutrition (ESPGHAN), l’European Academy of Paediatrics (EAP), l’European Academy for Allergy and Clinical Immunology (EAACI) ou encore la North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition (NASPGHAN) ont souhaité réagir à ces recommandations, et en particulier à trois d’entre elles.
Poursuite de l’allaitement maternel au-delà de 12 mois
L’OMS recommande que « l’allaitement devrait se poursuivre jusqu’à 2 ans ou plus (certitude forte, très faible niveau de preuve) ». Cependant, comme mentionné par l’OMS elle-même, l’intérêt nutritionnel de l’allaitement après 12 mois n’est clairement pas prouvé.
C’est pourquoi les sociétés savantes sont plus modérées et recommandent de poursuivre l’allaitement entre 6 et 12 mois, en complément de la diversification alimentaire et, au-delà de 12 mois de poursuivre l’allaitement dans le cadre d’un régime alimentaire équilibré « si la mère et l’enfant le souhaitent mutuellement ».
Consommation de lait d’origine animale au-delà de 6 mois
Un autre sujet de discorde concerne la recommandation de l’OMS sur la consommation de lait d’origine animale. L’OMS conseille le lait d’origine animale ou le lait de suite pour les nourrissons de 6-11 mois non allaités, et le lait d’origine animale au-delà de 12 mois, sans recommander le lait de croissance. L’ESPGHAN/NASPGHAN ont vivement réagi à cette déclaration pour plusieurs raisons :
- elle ne prend pas en compte le risque d’excès de consommation protéique, fréquent dans les pays développés, et favorisant le risque d’obésité ultérieur ;
- il y a un risque de carence martial chez le nourrisson en cas de consommation d’un lait non enrichi en fer ;
- l’OMS a mal interprété les propositions de l’ESPGHAN sur les laits de croissance.
Ainsi les sociétés savantes recommandent de :
- poursuivre, idéalement, l’allaitement maternel jusqu’à 12 mois, en complément d’une alimentation diversifiée,
- sinon de proposer une formule infantile chez le nourrisson de 6 à 12 mois non allaité, en complément d’une alimentation diversifiée. Un lait animal entier pourra être proposé en remplacement du lait de suite, uniquement en l’absence de possibilité de se procurer une formule infantile ou de la reconstituer en toute sécurité et en s’assurant de fournir d’autres sources adéquates de fer ;
- après 12 mois, la consommation de lait d’origine animale est sécure, en complément d’une alimentation équilibrée adaptée à l’âge et d’autres stratégies nutritionnelles pour optimiser les apports des jeunes enfants. La consommation de lait de croissance n’est pas une nécessité, mais il peut être utilisé afin que l’enfant en bas âge ait une alimentation plus riche en fer, vitamine D et oméga 3 et moins riche en protéines et en sel, pour mieux répondre à leurs besoins spécifiques.
L’âge à la diversification
L’OMS a toujours recommandé 6 mois comme âge de début de diversification. Pourtant, plusieurs études randomisées de bonne qualité ont montré que l’introduction plus précoce d’une alimentation variée en complément de l’allaitement maternel permettait de diminuer le risque d’allergies alimentaires ultérieures, sans réduire le taux et la durée de l’allaitement.
Ainsi, et concernant les pays européens dans lesquels la fréquence des allergies alimentaires est en augmentation, les sociétés d’hépatologie, gastroentérologie et nutrition pédiatriques (HGNP), de pédiatrie et d’allergologie plaident plutôt pour la promotion d’un allaitement maternel exclusif durant les 4 premiers mois de vie (soit jusqu’à 17 semaines), avec un début de diversification possible dès le début du 5e mois sans retarder l’introduction des aliments potentiellement allergéniques.
Recommandations de l’ESPGHAN
Il est toujours difficile d’émettre des recommandations larges, adaptées aux situations économiques et sanitaires de tous les pays du monde. C’est pourquoi, au-delà des guidelines de l’OMS, les travaux européens sont très importants, car plus adaptés à notre situation. Sur le fond, l’ESPGHAN conforte ses recommandations précédentes :
- promotion de l’allaitement maternel ;
- promotion d’un allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de 4 mois, puis début de diversification possible dès le début du 5emois ;
- promotion chez le nourrisson d’une alimentation suffisamment riche en fer, vitamine D, oméga 3 et contrôlée en protéines.
RÉFÉRENCES
1. WHO guideline for complementary feeding of infants and young children 6‐23 months of age. World Health Organization 2023. Accessed January 18, 2024. www.who.int/publications/i/item/9789240081864
2. European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology & Nutrition (ESPGHAN), European Academy of Paediatrics (EAP), European Society for Paediatric Research (ESPR) et al. World Health Organization (WHO) guideline on the complementary feeding of infants and young children aged 6-23 months 2023: A multisociety response. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2024 . doi: 10.1002/jpn3.12248. Epub ahead of print.