Nutriments, Supplémentation Revue #14

Une revue publiée début 2016 (Chmielewska et al.) dans le British Journal of Nutrition a fait le point sur les connaissances actuelles concernant l’intérêt d’une supplémentation en fer, acide folique et acides gras à très longues chaînes (AGPLC) en ante et postnatal sur le développement neurologique de l’enfant.

Fer

Le fer est un élément indispensable pour la production cellulaire énergétique, le transport sanguin de l’oxygène et la synthèse d’ADN. Il est largement présent dans le cerveau et est nécessaire dans les processus de myélinisation et de synthèse de neurotransmetteurs. La carence martiale correspond au déficit nutritionnel le plus fréquent dans le monde. Il est maintenant bien montré que l’anémie ferriprive est péjorative pour le développement et le fonctionnement cérébral, le comportement et les interactions psychosociales de l’enfant. En cas d’anémie prolongée, non traitée, ces lésions peuvent même être irréversibles. La carence martiale avec anémie est évaluée à 2 % des enfants de moins de 3 ans aux États-Unis et la carence martiale sans anémie à 12 % de cette population. Cinq essais randomisés versus placebo (ERC) ont été publiés sur l’intérêt de la supplémentation martiale chez l’enfant entre 0-9 mois. Aucune isolément n’a montré que la supplémentation avait un bénéfice sur le développement mental de l’enfant avant 18 mois. En revanche, une méta-analyse de 3 de ces études a montré que l’index de développement psychomoteur était supérieur à 12 mois lorsque les enfants avaient reçu une supplémentation en fer. L’évaluation des performances scolaires à 9 ans chez des enfants ayant participé à une de ces ERC (Wasantwisut et al., J Nutr 2006) dans la petite enfance était similaire avec ou sans supplémentation en fer. Deux ERC dans lesquelles les femmes recevaient soit du fer, soit un placebo n’ont pas non plus montré d’effet sur le développement mental ou comportemental ultérieur de l’enfant.

En se basant sur ces données, ESPGHAN a émis en 2014 les recommandations suivantes sur la supplémentation en fer :

– Il n’y a actuellement pas de preuve que la supplémentation martiale pendant la grossesse améliore le statut martial du nourrisson avec un poids de naissance normal.

– Dans des pays où la prévalence de l’anémie carentielle en fer est faible (< 5-10 %), une supplémentation systématique de l’enfant allaité n’est pas recommandée.

– Les formules infantiles jusqu’à 6 mois doivent être supplémentées avec 4-8 mg/L de fer.

– Cependant, les nourrissons avec un faible poids de naissance doivent être supplémentés avec 1 à 3 mg/kg/jour de fer afin de prévenir l’anémie carentielle et possiblement améliorer le développement cérébral.

– En cas de forte prévalence d’anémie ferriprive entre 6 et 12 mois (> 10 %), la supplémentation en fer systématique entre 4 et 12 mois pourrait permettre de prévenir des anémies carentielles et améliorer le développement neurologique de l’enfant.

Acides gras polyinsaturés à longues chaînes

Le rôle indispensable des AGPLC dans le développement, le fonctionnement du cerveau et les fonctions visuelles est maintenant bien établi. Parmi ces acides gras polyinsaturés, l’acide docosahexaénoïque (DHA, groupe des oméga 3) est particulièrement important, car son apport est en grande partie exogène. Il se dépose dans le cerveau du foetus puis du nourrisson. Une carence en oméga 3 en période périnatale a des conséquences très graves sur les capacités d’apprentissage, de mémoire et visuelles du nourrisson. De nombreuses ERC n’ont pas mis en évidence d’effet bénéfique sur les performances intellectuelles ou visuelles d’une supplémentation en oméga 3 pendant la grossesse ou la lactation. Une seule étude a donné des résultats positifs et une large méta-analyse ayant inclus de très nombreux essais a montré un impact favorable de la supplémentation en oméga 3 sur le score cognitif de l’enfant préscolaire. Les sociétés savantes recommandent un apport de 200 mg de DHA chez la femme enceinte ou allaitante. De nombreuses formules infantiles sont maintenant enrichies en DHA et leur utilisation est recommandée, mais ce n’est aujourd’hui pas obligatoire. Cet ajout deviendra obligatoire avec l’entrée en vigueur de nouveaux textes d’ici à 4 ans. Au total, les données actuellement disponibles sont que :

– une supplémentation du nourrisson en fer peut améliorer le développement psychomoteur de l’enfant,

– une supplémentation en acide folique est recommandée pendant la grossesse,

– l’allaitement maternel naturellement riche en DHA ou à défaut une formule infantile enrichie en DHA sont conseillés chez le nourrisson.

nutri14-tab1

RÉFÉRENCES

• Chmielewska A, Dziechciarz P, Gieruszczak-Białek D et al. Effects of prenatal and/or postnatal supplementation with iron, PUFA or folic acid on neurodevelopment : update. Br J Nutr 2016 : 1-6.
• HAS 2011 – Examens du métabolisme du fer dans les carences – Rapport d’évaluation.
• Domellöf M, Braegger C, Campoy C et al. ESPGHAN Committee on Nutrition. Iron requirements of infants and toddlers. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2014 : 58 ; 119-29.

La consommation en fer des nourrissons : étude InFANT

Une équipe australienne a investigué les apports en fer et les sources alimentaires consommées par les nourrissons et jeunes enfants ainsi que les facteurs non diététiques associés à la consommation de fer. Dans l’étude, 485 nourrissons et 423 enfants de moins de 2 ans, « premiers enfants » d’un couple ont été tirés au sort dans la région de Melbourne pour participer au programme Activity and Nutrition trial Program dont fait partie cette étude. Des données diététiques via une enquête téléphonique détaillée durant 3 jours non consécutifs et anthropométriques étaient colligées chez le nourrisson à 9 et chez le jeune enfant à 20 mois. La consommation moyenne de fer chez les nourrissons était de 9 mg/jour (± 4,3) et de 6,6 mg/jour (± 2,4) chez le jeune enfant. Les recommandations en Australie étant de 11 mg/jour chez le nourrisson de plus de 6 mois et de 9 mg/jour chez le jeune enfant, plus de 30 % des nourrissons et 18 % des jeunes enfants étaient considérés comme à risque carentiel sur l’enquête diététique. Un à quatre pour cent des nourrissons et près d’un quart des jeunes enfants consommaient plus de 500 mL de lait de vache non supplémenté, ce qui a précédemment été associé à un risque accru de carence en fer. Les sources alimentaires principales de fer étaient : les formules infantiles (43,5 %), les aliments pour nourrissons enrichis en fer (27,6 %), les céréales (13,1 %), la viande et plats (10,1 %). Les apports en fer étaient inférieurs chez les nourrissons allaités (plus de 45 % de la cohorte) comparés aux nourrissons non ou n’étant plus allaités. Chez le jeune enfant, les céréales contribuaient majoritairement aux apports en fer (plus de 43 %), notamment du fait de l’enrichissement de certains aliments commercialisés avec du fer. L’introduction tardive de la diversification au-delà de 6 mois était associée à de moindres apports en fer. L’ensemble de ces données peut permettre d’adapter les conseils diététiques et les programmes de prévention de la carence nutritionnelle la plus fréquente.

RÉFÉRENCES

Atkins LA, McNaughton SA, Campbell KJ, Szymlek-Gay EA. Iron intakes of Australian infants and toddlers: findings from the Melbourne InFANT Program. Br J Nutr 2016 ; 115 : 285-93.