La vitamine B12, appelée aussi cobalamine, car elle comprend un atome de cobalt en son centre, a été isolée dès les années 1940. C’est une vitamine hydrosoluble présente sous plusieurs formes dans notre organisme : l’hydroxycobalamine, forme naturelle de B12 (25 % des réserves de l’organisme) ; l’adénoxycobalamine, forme tissulaire principale (70 % des cobalamines hépatiques) et la méthylcobalamine qui est la forme circulante majoritaire.
La vitamine B12 a un rôle extrêmement important, car elle est nécessaire au processus d’érythropoïèse, de synthèse de l’ADN, aux réactions de méthylation et à la maintenance de la stabilité génomique.
Synthèse et absorption
Elle est synthétisée par des microorganismes et est présente essentiellement dans les aliments d’origine animale : la viande, le poisson, le lait (infantile ou de vache), les œufs. Les apports nutritionnels conseillés sont de 0,5 µg/jour de 0 à 1 an, puis de 0,8 µg/jour de 1 à 3 ans et augmentent progressivement jusqu’à 2,4 µg/jour chez l’adolescent et l’adulte.
Dans l’estomac, la vitamine B12 provenant de l’alimentation, libérée en milieu acide se lie au facteur intrinsèque, sécrété par les cellules pariétales gastriques. Elle est ensuite absorbée par endocytose au niveau de l’iléon terminal après liaison à des récepteurs spécifiques. Le stockage est hépatique et les réserves disponibles sont de plusieurs années. Un cycle entéro-hépatique permet une réabsorption de 60 à 75 % de la vitamine.
Véganisme et végétalisme : attention aux carences
Aux États-Unis, les apports médians journaliers de la population ont été mesurés à 3,4 µg/jour, donc largement supérieurs aux apports recommandés. Cependant, certaines populations sont à risque de carence, soit parce qu’elles ont une pathologie digestive, soit par carence d’apports. Les personnes ayant des apports faibles en viande et produits laitiers, comme les vegans ou les végétaliens sont à haut risque de déficit en B12. La prise de vitamine B12 sous forme de compléments alimentaires est possible chez l’enfant et l’adulte. Les réserves en B12 de l’organisme étant de plusieurs années, les signes peuvent apparaitre tardivement chez l’adulte.
Signes de carences en B12 et conséquences
La carence peut se manifester par des signes généraux (fatigue, faiblesse, perte d’appétit, de poids), une anémie macrocytaire, mégaloblastique, une glossite, une neuropathie ou encore des troubles neurologiques ou psychiques (dépression, voire confusion ou démence). Dans des études épidémiologiques, l’insuffisance in utero en vitamine B12 a été associée à des altérations de la croissance, des fonctions psychomotrices et du développement cérébral soulignant le rôle fondamental de la B12 pour le développement du nourrisson avec un risque de lésions irréversibles en cas de déficit.
Déjà dans une étude parue en 1989, les auteurs avaient dosé la vitamine B12 chez 47 nourrissons âgés de 10 à 20 mois et nourris avec une diète macrobiotique. Ces enfants, de mères veganes, avaient été allaités de façon exclusive entre 4 et 8 mois. Quarante-cinq pour cent d’entre eux étaient carencés en B12 avec un taux d’hémoglobine plus faible que chez des nourrissons témoins et un volume globulaire moyen plus élevé. Dans des études publiées plus récentes, notamment en France, de nombreux cas, de carences profondes ont été décrits chez des nourrissons allaités par des mères carencées, les signes débutant alors le plus souvent entre 3 et 6 mois. Le tableau clinique associe généralement un retard/régression psychomotrice, dénutrition et une anémie mégaloblastique.
Vitamines B12 et cognition de l’enfant
Une revue de 2016 a fait le point sur les connaissances actuelles sur le lien entre le statut de l’enfant en vitamine B12 et le développement cognitif. Dans l’analyse, une seule étude randomisée contrôlée a évalué l’impact d’une alimentation riche en vitamine B12 chez l’enfant. Dans cette étude, menée au Kenya, les enfants du groupe avec une alimentation enrichie en B12 avaient une meilleure mémoire.
Toutes les autres études actuellement disponibles sur le sujet sont des études observationnelles, avec une seule mesure du statut sanguin ou des apports alimentaires en vitamine B12. Cependant, malgré ces limites méthodologiques, sept équipes ont observé qu’un niveau plus élevé en vitamine B12 chez l’enfant était associé à une amélioration des performances cognitives, aux performances scolaires ou aux index développementaux.
Des conséquences à long terme
En particulier, une étude néerlandaise a comparé les performances cognitives de 48 adolescents ayant eu une alimentation vegan au moins jusqu’à l’âge de 6 ans à 24 adolescents témoins appariés ayant toujours eu une alimentation omnivore ou lactovégétarienne. Une large batterie de tests psychologiques a été effectuée pour évaluer la capacité de ces adolescents : coordination œil-main, résolution de problèmes complexes, capacité à apprendre, à mémoriser, etc. 65 % des adolescents qui avaient eu une alimentation vegan avaient un taux bas de B12. Les auteurs ont trouvé de moins bons scores de performance pour l’intelligence fluide, les capacités spatiales et la mémoire à court terme chez les enfants qui avaient eu une diète macrobiotique avec ou sans taux bas de B12.
À l’inverse et à la surprise des auteurs, une étude indienne sur 598 enfants a montré une relation inverse entre taux élevé de B12 et de moins bonnes performances cognitives, alors qu’une autre étude, américaine, sur plus de 5 000 enfants de 6 à 16 ans n’a pas montré d’association.
Une équipe suédoise a dosé la B12 chez 121 nourrissons ayant des troubles neurologiques. Trente-cinq d’entre eux étaient carencés, ce qui renforce les liens entre une carence en vitamine B12 et troubles neurologiques.
L’ensemble de ces études suggère que des apports adéquats en vitamine B12 sont un élément clé qui a un impact important sur la myélinisation, le développement cérébral et la croissance de l’enfant. Les mesures de prévention et le dépistage d’une carence chez les nourrissons/enfants à risque sont essentiels.
Les préparations de lait infantile 1er âge, 2e âge et de croissance sont enrichis en vitamine B12 afin d’éviter ces carences et ces conséquences. Ces laits doivent respecter des critères réglementaires (Règlement délégué (UE) 2016/127 du 25/09/2015) qui imposent une présence de vitamine B12 entre 0,1 µg à 0,5 µg/100kcal.
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