Comportement

Webinar « Les difficultés alimentaires avant 3 ans »

Dr Camille Jung (gastropédiatre) et Dr Marc Bellaïche (gastropédiatre)

Découvrez ou re-découvrez le webinar sur les difficultés alimentaires avant 3 ans animé par les Drs Camille Jung et Marc Bellaïche (gastropédiatres).

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Retrouvez les points clés de ce webinar dans une fiche pratique.

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Questions/Réponses :

 

Qu’est-ce qu’une texture mixte ?

Une texture mixte est, par exemple, des pâtes à la bolognaise. Les pâtes molles sont dans une sauce qui est collante où s’ajoutent de petits morceaux de viande qui doivent être mâchés. Ces repas ne sont pas recommandés pour les bébés, qui doivent plutôt manger des aliments avec une seule texture, qu’elle soit liquide, mixée, ou solide.

En effet, de petits morceaux au milieu d’une purée peuvent être compliqués à manger pour certains enfants.

De même, quand un enfant ne mange pas un aliment, c’est contre-productif de le cacher ou de le dissimuler dans une purée. Cela va créer une aversion supplémentaire et l’enfant risque de ne plus vouloir manger de la purée.

 

Faut-il donner du lait de croissance même si l’enfant mange très bien ?

Si l’enfant mange très bien, on lui donne du lait de croissance jusqu’à trois ans comme ceci est conseillé. Il est toujours plus riche en micronutriments et en calories que du lait standard. Il n’y a pas d’indication particulière si l’enfant mange bien.

 

Est-ce risqué si les bébés n’ont pas assez de lait infantile ?

Les bébés doivent boire du lait infantile et il ne doit pas être remplacé par du yaourt ou du petit-suisse. Il est donc important de solliciter les enfants, de faire des jeux pour qu’ils continuent de boire du lait. S’ils n’en veulent plus, il est possible de prendre des cuillères de poudre de lait infantile et de les mélanger avec les textures qu’ils préfèrent.

 

Vaut-il mieux faire manger l’enfant seul, avant ou après les repas des parents, ou en même temps que les parents dès le plus jeune âge ?

Le principe du repas familial semble approprié. Il n’y a pas d’obligation à manger toujours en même temps, mais c’est bien qu’il y ait ce rituel qui s’installe. L’enfant, quand il est très jeune, peut partager le repas avec ses parents. Puis, quand il est plus âgé, il peut être dans une situation où il met les mains dans son repas et se familiarise, par le toucher, aux textures. Surtout qu’actuellement nous vivons dans la mode de l’ultra propre qui s’est accentuée durant la période de la Covid-19. Pourtant cela ne fait pas de mal d’être un peu sale. Si l’enfant met les mains dans notre assiette, nous ne sommes pas obligés de l’encourager, mais nous pouvons éviter de le gronder. Cela veut dire qu’il a envie de participer, ce qui est une bonne chose.

Si pour une raison ou une autre les enfants et les parents ne mangent pas en même temps, il faut donner aux enfants un accompagnant qui peut prendre la forme d’un poupon s’il n’y a pas un frère ou une sœur.

C’est important qu’il y ait des moments de partage dans la semaine. Cela permet aussi de respecter ce moment social qu’est le repas.

 

Les fausses routes font peur. Quels conseils donnez-vous pour qu’ils mangent en sécurité ?

Il faut qu’ils soient sous la surveillance d’un adulte. Il y a le débat de la DME, c’est-à-dire la diversification menée par l’enfant qui, d’un point de vue sensoriel, est absolument fantastique parce qu’il touche à tout et c’est vraiment ce qu’on demande. D’un point de vue nutritionnel, je rappelle que la DME doit être faite en complément de l’allaitement ou de l’alimentation avec du lait infantile parce qu’il faut qu’il y ait assez de calories. Quand on mange que des légumes, nous n’avons pas assez de gras ni de fer dans notre alimentation. C’est pourquoi cette manipulation est importante.

 

Pour les enfants en pleine néophobie qui deviennent beaucoup plus sélectifs, que faut-il faire ? Est-ce qu’il faut céder ? Est-ce qu’il faut leur donner seulement ce dont ils ont envie ? Quelle est votre recommandation ?

Nous ne faisons que de la guidance et de l’accompagnement. L’éducation est quelque chose qui est de la responsabilité de tous et les parents doivent être accompagnés dans ce sens-là. Un enfant qui ne mange pas bien pendant le repas, il faut le laisser tranquille et déjà le laisser manger ce qu’il arrive à manger. Pour qu’il progresse, il faut faire des jeux de sensibilisation. S’il y a récompense, le regard doux d’une mère est bien supérieur à un cadeau qui va pousser l’enfant à attendre quelque chose.

 

Y a-t-il un lien entre l’allaitement maternel et les difficultés alimentaires ? Quel est le risque si l’enfant reste trop longtemps au biberon ou en allaitement maternel seul ?

Pour l’allaitement maternel, le sevrage est toujours progressif et c’est toujours quelque chose qui résulte d’une frustration. Il ne s’agit pas simplement d’une frustration du bébé qui n’a plus sa mère seulement pour lui mais c’est aussi une frustration pour la mère qui aime être avec son enfant quand elle l’allaite. Autrement dit, dès que l’allaitement maternel se passe bien, c’est important de parler tôt de sevrage. Il faut que la mère comprenne que cela va s’arrêter. Ce qui va lui permettre de sevrer son bébé plus facilement. Le plus souvent dans les consultations, on voit bien que quand les sevrages sont difficiles, ça l’est tout particulièrement pour la mère. Je crois qu’il faut véritablement faire en sorte que la mère soit dans une situation psychique où elle puisse se dire “je donne à manger à mon bébé, mais je dois aussi pouvoir l’éduquer”. Éduquer vient du latin ex ducere, c’est-à-dire « mener au-dehors ». Elle a fait en sorte de le prendre en son sein, au sens propre du terme, et là elle doit le mener en dehors. Le sevrage c’est un début d’éducation. Même au sein, un enfant doit avoir une alimentation diversifiée et la plupart du temps le sevrage ne pose pas de problème. L’allaitement maternel est conçu pour être exclusif dans les six mois. Un bébé qui est exclusivement allaité au sein plus de six mois est forcément carencé en fer.

Il est important que ce sevrage débute avec une diversification, même si l’enfant reste au sein. Il doit être au sein avec une diversification alimentaire entre quatre et six mois.

 

Que se passe-t-il s’il n’est qu’au biberon avec une formule infantile ?

Il y a des enfants qui aiment beaucoup les biberons et ils n’ont pas du tout de travail de la langue. Pour arriver à gérer la diversification alimentaire, il faut avoir un balayage latéral de la langue. Chez ces enfants-là, il faut faire des jeux de bouche : prendre une alimentation très lisse et mixée et en faire un rouge à lèvres pour que l’enfant aille chercher la nourriture avec sa langue. Ce sont des méthodes qui permettent de débuter la diversification.

 

Si jamais il ne prend que le biberon, est-ce que, d’un point de vue nutritionnel, c’est embêtant après six mois ?

Non, cela ne pose pas problème. Mais plus on va diversifier tard et plus son panel alimentaire de néophilie va s’estomper. Et à ce moment-là, il va avoir une période de néophobie qui va être un plus difficile.

 

Quel est l’âge du sevrage du sein ?

Tout dépend du contexte, la mère peut tout à fait continuer à allaiter jusqu’à un an ou même au-delà d’un an et ne pas passer au biberon. C’est une décision que la mère et l’enfant prennent ensemble. Il faut que le père accompagne l’allaitement aussi. Quoi qu’il en soit, il est certain que poursuivre l’allaitement maternel au-delà d’un an est positif à partir du moment où il y a une diversification complète chez les nourrissons.

 

Est-ce que les produits laitiers pour bébé, comme Blédilacté, remplacent le lait de croissance ?

Il faut vérifier qu’il s’agit bien de produits alimentaires infantiles pour les enfants de plus de un an. Ils ont effectivement des suppléments nutritionnels qui sont adaptés pour les enfants. Autrement dit, quand on a une alimentation avec des petits pots ou des petits repas industriels, on est sûr d’être dans une adéquation à la fois nutritionnelle et micronutritionnelle. Je ne fais bien sûr pas l’apologie d’une alimentation uniquement industrielle. Rien ne vaut le “fait maison” pour qu’il y ait ce don de l’alimentation, cette préparation pour le bébé auquel il est extrêmement sensible. Il ne faut pas diaboliser l’un et il ne faut pas non plus favoriser exclusivement l’autre. Puis, au-delà d’un an, petit à petit, l’enfant va prendre la même alimentation que celle de la famille.

Mais entre un et trois ans, l’alimentation lactée doit être très spécifique.

 

À quel moment faut-il vraiment commencer à s’inquiéter que l’enfant ne mange pas assez ? Y a-t-il un marqueur principal ?

Il y a différentes façons de ne pas manger suffisamment. Il y a des enfants qui mangent peu parce qu’ils ont une détermination génétique : ce sont des petits mangeurs. Cela ne sert à rien de s’inquiéter pour un enfant qui mange peu avec une courbe de poids et de taille régulière dans une famille où ils ont l’habitude de ne pas trop manger. Ils se nourrissent peu, mais ils mangent de tout.

Cependant, ceux ayant une courbe de poids qui s’infléchit cela signifie qu’il y a un souci. Si cet infléchissement représente 10 % de perte de poids, c’est important de pousser les parents à faire une consultation.

Il y a aussi des enfants extrêmement sélectifs. Lorsqu’un enfant de 3 ans ne mange que des aliments blancs ou seulement de la nourriture orange, il faut faire quelque chose. C’est pareil pour un enfant qui ne peut pas mettre des petits morceaux dans la bouche à 18 mois. C’est important qu’ils aient cette sollicitation qui puisse être réintégrée.

 

S’il y a un message à retenir, c’est que les enfants doivent faire partie de la famille, que l’alimentation n’est pas une pression, c’est une matérialisation de cet esprit familial. Les étapes neurosensorielles doivent être respectées. Si un enfant n’a pas de proposition avec des morceaux dès le moment où il arrive à se tenir assis avec un bon appui de tête, cela signifie que l’on est un peu en retard. Dès que l’enfant n’explore pas son environnement et ne met pas la nourriture dans la bouche, il faut l’y inciter. Si nous sommes extrêmement précautionneux, il n’y a pas de souci en général. Le repas doit être un moment de plaisir. Il y a un équilibre à trouver entre le laxisme et une attitude qui serait extrêmement rigide. C’est un moment de partage, le repas est bien plus que seulement un acte nutritif. C’est important de laisser l’enfant explorer son environnement, c’est comme ça qu’il va avoir les outils pour développer des compétences pour manger avec plaisir comme le reste de la famille.